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a, disons-nous, plus de 200 millions d’espèces. C’est trop peu de billets pour tant d’écus, ou trop d’écus pour si peu de billets. Une proportion pareille atteste que la Banque ne fait pas autant d’affaires que ses ressources en numéraire le lui permettraient, qu’elle ne rend pas au pays tous les services qu’on est en droit d’en espérer. Qu’elle en rende beaucoup, je ne le conteste pas ; mais qui peut nier aussi qu’une banque qui habituellement a presque autant d’écus que de billets, au lieu d’utiliser dans la limite indiquée, et par son intérêt bien entendu et par son devoir, le privilège de circulation qui lui a été octroyé, ne le laisse presque stérile ? Il y a donc lieu d’abaisser le minimum des billets. On sait que le minimum de 500 francs fut adopté à une époque où la France sortait du régime des assignats, et où chacun était en défiance contre l’assimilation du papier à la monnaie.

Il ne faudrait admettre chez nous ni les billets de 5 dollars (26 fr. 66 cent.), qui formaient la masse de la circulation de la banque nationale des États-Unis, ni ceux d’une livre sterling qui circulent en Écosse. Il conviendrait de se rapprocher du minimum actuel de la banque d’Angleterre, qui est de 5 livres sterling. Il est choquant que chez nous les billets de 250 fr. soient autorisés dans les départemens et interdits à Paris. On a cent fois demandé qu’il y eût en France des billets de 100 fr. Cette coupure serait très commode et on l’emploierait beaucoup, parce qu’en France l’or n’existe plus à l’état de monnaie et s’achète comme une marchandise. La proposition d’émettre des billets de 100 fr. a été appuyée par M. Gautier, sous-gouverneur de la Banque, dans un écrit historique et analytique, frappé au coin des meilleures doctrines, sur les banques en général[1]. Nous voyons que l’an passé la Banque de France s’est occupée de fabriquer des billets de cinq mille francs. C’est bien de cela qu’il s’agissait. Qu’importent les billets de 5,000 fr. à l’immense majorité du public ? Avec les billets de 100 fr., la banque se serait fait applaudir de tout le monde.

La forme actuelle des billets, tous remboursables à vue, a un autre inconvénient. La Banque est constamment sous le coup d’engagemens pressans ; des billets de 500 et de 1,000 francs sont sans cesse à s’échanger contre des espèces. On peut estimer que chaque billet revient à la Banque dix fois par an et en sort le même nombre de fois[2]. La Banque, pour sa sûreté, règle la durée des crédits qu’elle fait d’après le délai pendant lequel ses billets restent moyennement dans la circulation. En considération de la rapidité avec laquelle s’opère le retour des billets, elle n’escompte les effets qu’autant que l’échéance en est assez prochaine. L’échéance moyenne des effets escomptés varie, depuis quelques années, de quarante-cinq à quarante-huit jours ; par ses statuts,

  1. Des Banques et des Institutions de crédit en Amérique et en Europe. Extrait de l’Encyclopédie du droit.
  2. C’est la moyenne pour 1845, d’après le compte-rendu de la Banque.