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du nord et du midi avaient eu entre elles, à une époque indéterminée, des rapports à travers l’intérieur de l’île ; il tirait de là une induction contraire à la fameuse hypothèse d’une mer centrale. On cherche en vain une liaison entre les deux termes de ce raisonnement : en supposant l’existence aujourd’hui si improbable du vaste lac qu’avait inventé l’imagination des voyageurs, les indigènes n’auraient-ils donc pu, pour communiquer entre eux, suivre les rivages de cette prétendue mer méditerranée ? Mieux vaut dire, à notre avis, que les tribus du nord et du sud ont les unes et les autres, grace à des relations accidentelles dont la trace est perdue, reçu directement l’usage de la circoncision des sectaires de Mahomet dans la Malaisie. Si des prahus de l’archipel indien fréquentent de temps en temps les côtes septentrionales du nord de l’Australie, n’est-il pas possible, malgré la distance, que des barques plus aventureuses aient visité les régions du midi, ou s’y soient trouvées jetées par les vents ?

Les indigènes australiens affrontent volontiers la mort, et pourtant ils ont une peur extrême des tombeaux ; ils ne s’en approchent jamais. Des tombes creusées devant le seuil d’une maison sont devenues parfois une barrière salutaire que les naturels n’auraient jamais osé franchir. Quelques tribus placent les morts au milieu des branches d’un arbre. Le corps est enveloppé d’écorce de papyrus et recouvert de morceaux de bois flexibles, entrelacés en forme de filet. Suivant une pratique dont l’antiquité barbare offre des exemples, on songe aux besoins de ceux qui n’ont plus rien à démêler avec les choses de la terre, et on place dans le tombeau des armes et de la nourriture. Des faucons noirs et blancs perchent sans cesse sur les arbres voisins ; immobiles, silencieux, les ailes tombantes, ils semblent veiller sur le mort comme des muets à gages. Ils attendent avec une patience infatigable qu’un coup de vent ouvre à leur bec acéré le frêle édifice tumulaire. On a vu des preuves touchantes d’attachement données par les mères à la mémoire de leurs enfans. Une femme, avant perdu son jeune fils, avait conservé ses ossemens, et elle les portait toujours avec elle. Dans ses heures de tristesse, quand le regret gonflait son cœur, guidée par son instinct, elle remettait les os dans leur position régulière. Peut-être, lorsqu’elle avait rétabli les lignes de cette forme chérie, s’imaginait-elle voir se ranimer à son souffle l’esprit éteint pour jamais, et retrouver encore une fois le sourire évanoui de son enfant. Parmi ces croyances superstitieuses qui en Australie entourent l’idée de la mort, la plus singulière est celle de quelques peuplades, qui croient retrouver dans les blancs leurs propres compatriotes, revenus dans le monde sous une forme plus noble, après avoir passé par l’épreuve du trépas. A Perth, un des colons, à cause de sa ressemblance avec un membre défunt d’une tribu de la rivière Murray, recevait deux fois par an la visite de ses prétendus