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et qui compte plus de 1,000 kilomètres de long. Merveilleux caprice de la nature, cette chaîne d’écueils, dont le nom n’est jamais entendu avec indifférence par le marin qui traverse les passes du nord, forme une sorte de rempart contre les vagues courroucées de l’Océan. Quelquefois la grande barrière disparaît entièrement sous les flots, quelquefois une ligne épaisse d’écume blanchâtre en dessine les capricieux contours ; ailleurs la crête orgueilleuse des écueils se dresse au-dessus des eaux et semble défier le marin de regagner la pleine mer. Il serait téméraire, en effet, de s’aventurer dans les rares et sinueux passages qui coupent cette ligne de brisans. On sait qu’après avoir parcouru plusieurs centaines de kilomètres, Cook, ennuyé de se voir ainsi emprisonné par une muraille sans fin, essaya de prendre le large à la hauteur d’Endeavour-Reef, et que cette tentative fut fatale à son navire. Les écueils de corail partent du détroit découvert, il y a deux cents ans, par l’Espagnol Torrès, entre la côte septentrionale de la Nouvelle-Hollande et la Papouasie, et se prolongent presque jusqu’à Moreton-Bay, au nord de la Nouvelle-Galles du sud[1].

En sortant de ce canal gigantesque, nous entrons dans le domaine proprement dit de l’Angleterre ; nous avons devant les yeux les mille caprices d’une côte accidentée où s’étalent les soudaines manifestations du génie européen ; puis nous longeons pendant quelque temps un rivage hérissé de rochers de 60 à 80 mètres d’élévation. Tout à coup une brèche inaperçue s’ouvre dans cette muraille de granit. Le regard n’a pas le temps de s’arrêter sur cette ruine apparente, que déjà le navire glisse entre les parois déchirées dans la baie magnifique dit Port-Jackson. On est en présence d’un tableau féerique. Des coteaux couverts de bois et de maisons de campagne encadrent des eaux tranquilles, semées d’îlots, dont la vague caresse doucement les bords inclinés. À ces rians aspects, à cette situation heureuse, on reconnaît Sydney, la ville la plus importante de l’Australie, la capitale de la Nouvelle-Galles du sud.

Plus loin, à l’extrémité méridionale de la Nouvelle-Hollande, près du détroit de Bass, la grève n’est plus unie comme aux environs du cap d’York. Le promontoire Wilson, qui termine l’île de ce côté, est composé d’un bloc de montagnes qui dressent vers un ciel brumeux des pics de 1,000 mètres de haut. Ces sommets chauves et désolés, couverts presque toute l’année d’épais brouillards, sont très rarement éclairés par les rayons du soleil. Au pied de ces masses énormes, cent îlots jaillissent de la mer. On dirait des sommets de montagnes dont la base serait profondément enfoncée dans les abîmes. Battus par des vents

  1. Grace à la politique méticuleuse de la cour d’Espagne, le détroit de Torrès n’a eté connu du commerce, que vers le milieu du dernier siècle, après la prise de Manille, où les Anglais trouvèrent une copie oubliée des rapports originaux du navigateur espagnol.