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ratifié le 9 avril par le prince royal et l’amiral Parker. Dans cet intervalle, le gouvernement danois avait appris la mort de Paul Ier, assassiné dans la nuit du 23 au 24 mars, et il se décida à souscrire aux propositions des amiraux anglais avant que cette nouvelle, qu’on réussit à leur dissimuler, vînt ajouter encore à leurs prétentions. La durée de l’armistice fut fixée à quatorze semaines. Pendant ce temps, le Danemark devait s’abstenir de toute participation aux mesures adoptées par les puissances signataires du traité de neutralité armée : il s’engageait à suspendre ses armemens et à n’ordonner aucun mouvement hostile à son escadre. Les vaisseaux anglais avaient la faculté de traverser librement la Passe Royale pour entrer dans la Baltique ; ils pouvaient en outre s’approvisionner d’eau et de vivres à Copenhague et sur toutes les côtes du Jutland et du Danemark.

Dès que cet armistice fut signé, Nelson redouta l’impression qu’il allait causer en Angleterre. Il sentait lui-même que ce traité n’était que le gage d’une victoire incomplète, et cependant, aux yeux des hommes de mer, la campagne de la Baltique sera toujours son plus beau titre de gloire. Lui seul était capable de déployer cette audace et cette persévérance, lui seul pouvait affronter les immenses difficultés de cette entreprise et en triompher. Quand, en 1807, après le traité de Tilsitt, l’Angleterre eut résolu de diriger une nouvelle attaque contre Copenhague, 25 vaisseaux de ligne, 40 frégates et 27,000 hommes de troupes furent employés à accomplir ce que Nelson avait tenté avec 12 vaisseaux. L’entrée du Sund fut franchie cette fois avant l’ouverture des hostilités, aucun vaisseau ne pénétra dans la Passe Royale et ne brava le feu des batteries danoises ; mais l’île de Seelande fut investie par un cordon de navires, une armée fut débarquée au-dessous d’Elseneur, et la ville de Copenhague, incendiée par les bombes et les boulets rouges qu’on fit pleuvoir sur elle, ne succomba cette fois que devant un siége régulier.


V.

Aux yeux de Nelson, qui ignorait encore la mort de Paul Ier et les dispositions de son successeur, la campagne de la Baltique était à peine commencée. Ce n’était rien que d’avoir désarmé le Danemark, si on laissait échapper les escadres de la Suède et de la Russie. Aussi Nelson craignait-il qu’un temps précieux n’eût été perdu pendant la conclusion de l’armistice. « Si j’eusse été le maître, écrivait-il, le 9 avril, au comte de Saint-Vincent, il y a quinze jours que je serais devant Revel, et je réponds bien que la flotte russe n’en fût sortie qu’avec la permission de l’amirauté. »

Plein de respect pour les belles qualités de sir Hyde Parker, Nelson