Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glais ; la petite propriété lui semble là le seul remède aux maux qu’a produits la grande.

Ce n’est pas ici le coup d’œil isolé d’un homme d’état, c’est le vœu général de l’opinion anglaise. S’il y a dissidence dans la presse, ce n’est ni sur l’à-propos, ni sur la justice de ces lois d’expropriation, c’est sur l’immensité des déboursés que la misère de l’Irlande coûte au trésor : les uns, et nous partageons leur avis, soutiennent que ces déboursés doivent rapporter un intérêt suffisant à l’Angleterre en créant enfin des capitaux sérieux et une direction intelligente dans un pays dont la richesse ne peut manquer d’être une richesse anglaise ; les autres, plus enclins à partager les rancunes populaires, plus irrités contre la longue inertie des propriétaires irlandais, souhaitent bien sans doute que l’état se mette à leur place, mais ils voudraient peut-être la dépossession encore plus complète, ils la voudraient surtout moins onéreuse ; rien n’est plus piquant que certaine sortie du Times à cet endroit-là : « L’Irlande va maintenant avoir son chapitre au budget, comme l’armée, comme la marine ! Les Celtes seront cette nation de gentlemen qu’ils veulent être, et les Saxons tomberont au rang qui leur convient, artisans, boutiquiers et manœuvres. Est-ce qu’un Anglais est né pour autre chose que pour travailler ? et un irlandais est-il au monde pour autre fin que pour rester assis à la porte de sa cabane, lire les discours d’O’Connell et injurier les Anglais ? L’Anglais fera tout ce qu’on voudra pourvu qu’au bout il aperçoive un but. Voilà comment les propositions de lord John Russell ont été accueillies avec de si unanimes transports. Sir Robert Inglis, la chère ame, imaginait bien quelque chose comme un but secret, quand il s’agissait de donner tant d’argent. Il rêvait une Irlande convertie en un vaste collége de pensionnaires qui, nourris par les aumônes britanniques, mangeraient, boiraient, dormiraient, prieraient et se laveraient en bons chrétiens. Dulcis insania ! » Ce n’est pas là seulement de l’humour, de l’esprit en l’air, c’est tout un côté de la vérité dans la situation actuelle de l’Angleterre par rapport à l’Irlande ; c’est le vieil esprit anglais critiquant ou approuvant à sa manière ce qu’essaie avec tant de force et de modération l’esprit nouveau qui gouverne.



REVUE SCIENTIFIQUE

Il y a trois mois, l’annonce d’une nouvelle substance explosive, appelée communément coton-poudre, venait à peine d’éveiller l’attention des chimistes. L’appréciation équitable et sérieuse de cette découverte, d’abord enveloppée de mystère, puis accueillie par d’amères critiques, est aujourd’hui devenue possible, et, en essayant cette appréciation, nous avons à nous féliciter de n’avoir pas voulu nous associer dès l’origine aux oppositions peu motivées parfois qu’a soulevées une invention qui, certes, ne manque pas d’importance ni d’utilité.

La transformation du coton ordinaire en une matière explosive avait à peine été annoncée par M. Schoenbein, que dans presque tous les laboratoires on a cherché le mode de préparation que le chimiste allemand s’est toujours plu à nous laisser ignorer. Grace à ses réticences, la découverte est devenue française, car M. Schoenbein a déclaré que son procédé n’est pas celui qu’ont imaginé