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Italie, dans les provinces danubiennes, et dont nous retrouvons un nouvel écho dans la protestation inattendue du roi de Suède. C’est qu’en violant sur un point les droits acquis, on alarme, on ébranle tous les autres. C’est cette noble cause des droits acquis, ce respectable patronage que la majorité semble vouloir aujourd’hui prendre en mains. Son propre intérêt lui conseille cette générosité. Autant la France a dû, en 1830, décliner tout contact, toute solidarité avec les mauvaises passions de la démagogie partout où elles éclataient, autant elle doit aujourd’hui maintenir, défendre les garanties et le drapeau de la justice, du droit et des principes constitutionnels. En agissant ainsi, elle ne fera pas de propagande ; elle exercera une magistrature. Le parti conservateur comprend, et nous l’en félicitons, qu’en raison même de ses antécédens il peut et doit protester sans équivoque contre l’absolutisme européen. Quand on a combattu l’anarchie, on a qualité pour condamner l’arbitraire. Il appartient donc à la majorité conservatrice, au milieu de la gravité des circonstances, de s’affirmer elle-même avec décision et mesure. La commission de l’adresse et son habile rapporteur, M. Vitet, ont caractérisé la politique qui convient aux intérêts moraux et matériels de la France dans des termes auxquels il serait difficile de ne pas adhérer. Il s’agit maintenant d’y conformer la pratique des affaires tant au dehors qu’au dedans.

Quelle sera l’attitude de l’opposition ? Il n’a jamais été dans nos habitudes de recueillir et de commenter tous les bruits qui, à l’ouverture de chaque session, se répandent sur l’attitude que prendra tel homme, tel parti, qui certes ont bien le droit de n’être jugés que sur des actes accomplis. Nous dirons seulement que toute manifestation qui aurait pour résultat d’affaiblir l’autorité morale de l’opposition serait à nos yeux chose fâcheuse. Si dans les conditions théoriques du mécanisme constitutionnel l’opposition est un élément nécessaire, en fait et dans les circonstances où nous sommes, son action est indispensable. Nous avons vu avec regret qu’elle ne fût pas représentée dans la commission de l’adresse. Quand le gouvernement n’a pas en face de lui une opposition active et pouvant influencer l’opinion, il est disposé à moins veiller sur lui-même. L’union de ses membres et le choix des questions sur lesquelles elle doit diriger sa critique, telles sont, pour l’opposition, les deux conditions principales sinon de son triomphe, du moins de son crédit. Nous désirerions que sur ces deux points il ne se fît rien d’inhabile au sein de l’opposition. Pour ne parler que des choses, des questions, nous signalerons un écueil contre lequel nous ne voudrions pas voir se heurter des hommes éminens : c’est la tentation de trouver partout des fautes à ses adversaires. Il y a sans doute pour le talent, quand il est extrême, des ressources infinies. Nous concevons qu’on puisse faire du coup d’état de Cracovie un point d’attaque contre le cabinet, et lui reprocher d’avoir compromis l’alliance anglaise au moment où elle allait lui devenir nécessaire contre les trois puissances du continent. Si l’accusation est portée, nous pèserons les réponses qui lui seront faites ; mais déjà il en est une dont on ne peut nier la gravité, c’est l’assentiment général du pays à la conclusion des affaires d’Espagne. La France a vu avec satisfaction que cette fois son gouvernement, dans les relations et les débats diplomatiques avec l’Angleterre, n’avait pas eu’ le dessous. Il y a là un sentiment national dont il faut tenir compte. L’opposition laissera-t-elle à la majorité l’honneur d’exprimer sur ce point la pensée du pays ? À notre sens, si elle était bien inspirée, elle s’attacherait, tant au sujet des mariages espagnols