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cipales preuves dans les conversations du château d’Eu, dans le memorandum du 27 février 1846, par lequel le ministre français instruisait le gouvernement britannique de la marche nouvelle qu’il allait suivre, si telle éventualité se réalisait ; enfin dans la loyale conduite de lord Aberdeen, lorsque ce dernier avertit M. Guizot des ouvertures de Marie-Christine au duc de Cobourg pour marier le prince Léopold à la reine Isabelle. Voilà bien l’attitude d’alliés sincères qui ne songent pas à se causer l’un à l’autre le désagrément d’une surprise ou l’amertume d’un déplaisir.

Nous croyons avoir suffisamment établi que lord Palmerston, dès son retour au pouvoir, se montra animé d’un autre esprit. Veut-en une preuve nouvelle de la différence de sa politique d’avec celle de son prédécesseur ? Qu’on lise les documens anglais. Le 13 juillet, lord Cowley, qui était encore le représentant officiel de la Grande-Bretagne à Paris, adressait à lord Palmerston une dépêche qui, parmi toutes les pièces de ce procès politique, mérite au plus haut degré l’attention des hommes impartiaux. On voit que lord Cowley s’est attaché à y résumer toute l’affaire d’Espagne pour l’instruction du ministre whig, qui n’était pas aux affaires pendant le cours de cette négociation si longue, et en même temps il lui fait connaître le dernier état de la question. À ce propos, il s’exprime ainsi : « La nouvelle qu’une proposition ait été faite pour une alliance avec un prince de la maison de Cobourg a occasionné ici la plus grande consternation. M. Guizot m’a dit que, si on persistait dans ce projet, il recommanderait au roi de mettre en avant le duc de Montpensier comme candidat à la main de la reine. » Voilà qui est sans équivoque. La nouvelle que la cour d’Espagne pouvait songer à une alliance avec un prince de la maison de Cobourg consternait le gouvernement français, qui ne cachait pas à l’ambassadeur britannique les desseins auxquels pourrait le déterminer cet incident. Lord Palmerston était donc averti ; il reçut cette dépêche le 15, et le 19, en envoyant des instructions à M. Bulwer, il mettait le prince de Cobourg au premier rang des candidats ! En agissant ainsi, que faisait-il autre chose que de rouvrir volontairement la porte à toutes les difficultés qu’avait prévenues jusqu’alors la bonne intelligence des deux cabinets de Londres et de Paris ?

Ce rapprochement si frappant des deux dépêches de lord Cowley et de lord Palmerston ne pouvait échapper à notre diplomatie, et nous le voyons indiqué dans la dernière note de M. Guizot en date du 25 janvier. Nous avons la confiance que cette note fermera définitivement un débat qui n’a déjà que trop duré. En répondant, le 22 novembre dernier, à lord Palmerston, M. le ministre des affaires étrangères exprimait l’espoir que sa dépêche clorait la discussion. Lord Palmerston ayant gardé le silence pendant tout le mois de décembre, on pouvait croire les deux gouvernemens d’accord sur la convenance de terminer une controverse qui entame toujours un peu la considération de ceux qui l’alimentent. Malheureusement, le 8 janvier, lord Palmerston reprit la plume au Foreign-Office, et quelques jours après lord Normanby communiquait à M. Guizot cette réponse si tardive. M le ministre des affaires étrangères remarque que le ministre anglais n’a pas mis moins de quarante-cinq jours à lui faire parvenir sa réplique. M. Guizot a été plus expéditif, car le 25 janvier il adressait à M. le comte de Saint-Aulaire une note où il examine avec netteté et mesure la valeur de certaines assertions qu’il était impossible de ne pas relever. Le rédacteur de la note