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LA DERNIÈRE GUERRE MARITIME.

Middel-Grund, et s’échoua à environ 450 mètres de I’arrière-garde danoise. Le Russell, qui venait après lui, fut entraîné par son exemple dans la même faute et s’échoua à son tour. Ce double accident pouvait causer la perte de l’escadre anglaise, car, les pilotes n’ayant cessé de répéter, contrairement aux assertions du capitaine Hardy, que la profondeur de l’eau était moindre du côté de la ligne ennemie que du côté du banc de sable, il avait été prescrit aux vaisseaux anglais de serrer toujours de préférence le Middel-Grund. La fortune de Nelson voulut que le vaisseau qui marchait après le Russell fût précisément celui qu’il montait lui-même. Avec le coup d’œil d’un marin habitué dès l’enfance à manœuvrer au milieu des roches et des hauts-fonds, il jugea que le capitaine Hardy avait raison contre tous les pilotes. Donnant l’ordre de laisser les vaisseaux échoués sur la droite, il rentra dans le chenal et vint mouiller à 200 mètres environ du Dannebrog, que montait le commodore Fischer. L’arrière-garde imita sa manœuvre, et, à onze heures et demie, à l’exception des trois vaisseaux déjà cités, l’Agamennon, la Bellone et le Russell, tous les vaisseaux anglais se trouvèrent en ligne. Depuis plus d’une heure, l’action était engagée entre l’avant-garde et la flotte danoise. Deux bombardes, les seules qui eussent pu atteindre leur poste, ouvrirent, par-dessus les deux flottes, le feu de leurs mortiers sur l’arsenal et sur la ville.

Quant à l’amiral Parker, il avait mis sous voiles avec ses huit vaisseaux en même temps que l’escadre de Nelson ; mais, ayant contre lui le vent et le courant, il fut obligé de jeter l’ancre beaucoup trop loin des batteries du nord, et ne put être d’aucun secours à la division engagée. Il détacha cependant vers l’amiral Nelson trois vaisseaux destinés à remplacer ceux dont les services se trouvaient en partie paralysés, et attendit avec anxiété l’issue d’un combat auquel il ne pouvait prendre part.

Les Danois déployèrent en ce jour une valeur héroïque. L’action durait depuis plus de trois heures sans que leur feu eût paru se ralentir. L’amiral Parker, témoin de cette résistance inattendue, se désolait de son inaction. « Ce feu est trop vif, disait-il aux officiers qui l’entouraient, pour que Nelson puisse le soutenir long-temps. S’il doit se retirer, il faut que ce soit moi, dût ma réputation personnelle en souffrir, qui lui en fasse le signal, car il y aurait lâcheté de ma part à lui laisser la responsabilité d’une pareille démarche. » Emporté par ce mouvement généreux, mais inconsidéré, il fit signal à Nelson de cesser le combat. On sait comment cet ordre fut accueilli. « Foley, dit Nelson en se tournant vers le capitaine de l’Éléphant, vous savez, que je n’ai qu’un œil, et, certes, j’ai bien le droit d’être aveugle quelquefois. — Sur mon honneur ; ajouta-t-il en plaçant sa longue-vue sur l’œil qu’il avait perdu au siège de Calvi, je ne vois pas le signal de Parker. Conservez mon signal