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À l’entrée du Skagerack, elle fut dispersée par un coup de vent qui mit en grand péril le vaisseau le Russell, jeta un brick à la côte, et obligea l’amiral Parker, pour rassembler ses forces, à mouiller le 21 mars à l’entrée du Sund. Ce fut là qu’il fut rallié le 23 par la frégate la Blanche, sur laquelle se trouvait, avec M. Vansittart, revenant de Copenhague, M. Drummond, le chargé d’affaires d’Angleterre à la cour de Danemark. Les propositions de M. Vansittart avaient été rejetées, et il fallait s’occuper de réduire le Danemark avant de songer à agir contre les Russes. Les préparatifs de défense rassemblés devant Copenhague avaient fait sur le diplomate anglais une impression qui parut un moment se communiquer à l’amiral Parker. D’après les rapports de M. Vansittart, la Passe Royale était devenue inabordable du côté du nord. Cette entrée était défendue par un ouvrage dit des Trois-Couronnes, construit sur pilotis, et destiné à protéger en même temps, de concert avec la citadelle, le port intérieur, dans lequel les Danois avaient abrité leur escadre. À cet ouvrage, armé de 30 canons de 24, de 38 pièces de 36 et d’une caronade de 96, s’appuyaient deux vieux vaisseaux démâtés, le Mars et l’Elephanten. Ce n’était donc que par le sud de la Passe Royale qu’on pouvait songer à menacer Copenhague, et, même de ce côté, on devait rencontrer des obstacles formidables, car les Danois avaient couvert tout le front de leur ville d’une longue ligne de pontons et de vieux vaisseaux portant 628 cartons et montés par 4,849 hommes. Cette ligne d’embossage, mouillée à environ 1,600 mètres en avant des batteries du rivage, laissait entre elle et le bord du Middel-Grund un canal d’une largeur de 500 mètres et d’une profondeur moyenne de cinq ou six brasses. Si l’on faisait tomber ces premières défenses, la menace d’un bombardement suffirait probablement pour triompher de la résistance du Danemark, mais il fallait d’abord, et c’était là la plus grande difficulté, arriver dans la Passe Royale.

Tous ces préparatifs ne rassuraient point cependant les habitans de Copenhague depuis qu’ils avaient appris l’arrivée de l’amiral Parker à l’entrée du Sund et la présence de Nelson dans l’escadre anglaise. Niebuhr, le célèbre historien, témoin oculaire et spectateur ému de ces importans événemens, nous a transmis dans sa correspondance intime le témoignage non équivoque de la puissance morale qui s’attachait déjà au seul nom de Nelson : « Nous nous attendons, écrivait-il le 24 mars à Mme Hensler, à voir notre ligne de défense exposée à de furieux assauts, car Nelson est dans l’escadre ennemie, et il déploiera probablement en cette occasion l’énergie dont il a donné tant de preuves en d’autres circonstances. » Toutefois l’inquiétude des Danois n’était pas du découragement. Ils savaient que l’escadre suédoise, promise pour le 2 avril, arriverait trop tard pour leur être d’aucun secours, que la flotte de Revel ne pouvait se débarrasser des glaces qui encombraient encore