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il pourra ensemencer environ 500 hectares et établir les assolemens convenables, et s’il accorde une place au jardinage et aux légumes, s’il cultive le tabac, le pavot et autres plantes commerciales, comment il nourrira ses bestiaux sans fourrages et comment il aura de l’engrais pour ses blés sans bestiaux. En supposant même que les moissons n’eussent pas à souffrir de l’épuisement de la terre, croit-on que l’excédant des deux cents fermes, 1 million d’hectolitres jetés sur les marchés de l’Algérie, n’y écraserait pas les prix, et que, dans les années d’abondance, les colons pourraient compter sur le revenu qu’on leur promet ? Nous ne multiplierons pas les objections de ce genre ; nous en avons dit assez pour convaincre M. Landmann lui-même que son projet aurait besoin d’une troisième refonte pour être pris en considération sérieuse.

Si nous ne poursuivons pas l’analyse des divers modes d’association qui ont été proposés, c’est que nous aurions à répéter chaque fois la même critique. Nous trouverions des théories nuageuses et pas de faits appréciables. On a méconnu cette vérité, qu’une colonisation n’est, ne doit, ne peut être qu’un placement pour celui qui l’entreprend, et qu’avant d’engager un capital acquis, le devoir des hommes d’état, comme celui des chefs de famille, est de vérifier, par tous les moyens d’information, si l’entreprise repose sur des bases solides.

N’y a-t-il donc eu jusqu’ici en Algérie que des illusions en théorie et des échecs dans la pratique ? La réponse à cette question décisive dépend du point de vue auquel on se place. Si l’on considère avant tout l’intérêt national, si l’on pose en principe que la colonisation a pour but d’installer en Afrique une population forte et respectable représentant dignement la France, capable de se défendre elle-même sans qu’il soit nécessaire d’éterniser les sacrifices de la métropole, nous répondrons hardiment : Non, rien de solide, rien de satisfaisant n’a été fait ; aucune des combinaisons mises à l’essai n’est de nature à dédommager la métropole ; jusqu’ici, l’Algérie n’a été pour la France qu’une mauvaise affaire. En se mettant au contraire au point de vue des intérêts particuliers, on reconnaît que beaucoup d’individus ont fait des affaires excellentes. Nous ne faisons pas allusion à l’agiotage sur les terrains, qui a eu le résultat ordinaire des jeux de bourse, la ruine et la désolation des uns, la rapide et scandaleuse exaltation des autres. Nous voulons parler d’un petit nombre d’exploitations agricoles qui, commencées avec des ressources suffisantes, dirigées avec intelligence et énergie, donnent à leurs possesseurs de belles et légitimes espérances.

En tête des établissemens prospères, il faut citer le monastère de