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a pas de cause plus active des crises commerciales que celle qui ressort des grandes variations du prix des subsistances.

Ce système malheureusement n’a pas tenu ses promesses, particulièrement au sujet de la certitude des approvisionnemens en cas de disette. Le commerce, pour se livrer à ses spéculations légitimes, a besoin d’avoir quelques bases certaines, et c’est précisément ce qu’exclut la grande mobilité du droit. Le commerçant qui, d’avance calculant une chance de hausse, aurait l’idée de demander des grains à Odessa ou à New-York, s’en abstient, parce qu’il ignore si, lorsque son blé se présentera, le droit à payer à la douane n’aura pas doublé ou triplé. De même, en supposant que nous soyons, nous aussi, dans le cas d’exporter beaucoup de blé par l’effet d’une grande abondance, le négociant étranger ne s’adressera pas à nous, faute de savoir quels droits il aura à acquitter à la sortie, et il enverra ses ordres de préférence aux pays qui sont soumis à un régime de fixité au lieu de notre mobilité. Les ressorts même de cette mobilité si ingénieuse en apparence sont tout-à-fait défectueux. Rien n’est plus facile à des hommes peu scrupuleux que de falsifier par des manœuvres les mercuriales locales en petit nombre qui servent à composer la mercuriale générale de chacune des quatre sections entre lesquelles se partage à cet égard le territoire. Et ainsi une spéculation bien conçue et utile au public peut avorter par les artifices d’une concurrence habile. Puis la mercuriale consacre un fait passé qui quelquefois n’a plus rien de commun avec le présent. Enfin ici le système des moyennes, qui est mis en œuvre, est peu applicable, car il peut ne donner qu’un aperçu très inexact de la situation. Pendant le délai qu’embrasse la moyenne, les prix ont pu varier dix fois et entre des limites fort éloignées. A certains momens, la cote du marché prise isolément aurait favorisé l’entrée du blé étranger, et c’est peut-être alors seulement qu’elle était véridique. Cependant quelques ventes de petites quantités, faites au moment opportun, donneront, au marché suivant, un résultat apparent qui sera mensonger, et le faux l’emportera sur le vrai dans la composition de la moyenne. Les avantages de l’échelle mobile ne sont donc que spécieux. Sur ce point, notre assertion n’est pas contestable, car encore un coup, pourquoi ce régime est-il mis à l’écart d’un avis unanime aujourd’hui, sinon parce qu’au lieu de soulager la disette, tout le monde sent qu’il ne serait bon qu’à l’aggraver ?

La prétention exprimée au nom de l’échelle mobile de maintenir les subsistances à un prix fixe n’a pas été moins démentie par les faits. Sous la loi de l’échelle mobile, le blé a éprouvé en Angleterre d’incroyables variations : plus que du simple au double. On l’a vu quelquefois au-dessus de 40 francs l’hectolitre, et, en 1835, il était à moins