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quelle elle a proclamé la liberté commerciale ; il se glorifie moins de la conquête du Nouveau-Mexique ou de la Californie qu’il ne s’étudie à parler de prudence aux conquérans en leur faisant le compte des immenses territoires tombés sous leur domination ; il va même jusqu’à déclarer temporaires les administrations établies dans ces nouvelles provinces par les généraux et les amiraux des États-Unis ; enfin il redemande en termes fort modestes ces deux millions de dollars qui devaient aider à terminer la guerre, et qu’une ruse parlementaire empêcha de voter au dernier congrès.

Le secret de cette modération, qui contraste avec les antécédens de M. Polk et de son parti, c’est la double difficulté que l’on rencontre maintenant, soit pour continuer les hostilités au dehors, soit pour en faire approuver les résultats à l’intérieur. Les états du nord, le véritable foyer du parti démocratique, n’ont jamais tant perdu de leur poids dans la balance de l’Union, qu’ils en perdent à présent par suite de la politique extérieure de M. Polk, le président de leur choix. La conclusion de l’affaire de l’Oregon, tout en étant à coup sûr très favorable à l’honneur national, leur a néanmoins enlevé un territoire qui eût pu former deux états de plus et leur donner deux alliés nouveaux contre les états à esclaves du sud. Ceux-ci ont tout gagné au nouveau tarif américain, puisqu’ils ont beaucoup de denrées à exporter et point de fabriques à protéger. Enfin, si la guerre du Mexique devait se terminer par l’incorporation définitive du Nouveau-Mexique, de la Californie et de Chihuahua, les états à esclaves réuniraient par cette accession une majorité suffisante pour défendre leurs lois sociales contre le zèle abolitionniste du nord et de l’ouest. C’est justement l’appréhension de cette supériorité qui inquiète le parti démocratique et l’empêche de prêter un appui bien franc au gouvernement que ses suffrages ont créé. Lorsqu’à la fin de la dernière session le président demanda de l’argent pour acheter la paix, en payant à beaux deniers comptant les territoires déjà occupés par les troupes victorieuses de l’Union, les députés du sud se réjouissaient d’une acquisition qui allait si largement servir leur influence à l’intérieur ; leur joie fut aussitôt troublée par la motion d’un Pensylvanien, qui fit décider que l’esclavage serait aboli dans tous les pays qu’on voudrait dorénavant incorporer à la grande république. Le président se trouve donc ainsi placé entre son propre parti qui l’a poussé par nature à une guerre dont il redoute maintenant les avantages mêmes, et le parti whig qui, si l’on écoutait les organes de M. Webster, serait tout prêt à mettre M. Polk en accusation, à cause de cette guerre trop heureuse. La situation est glissante, et l’on comprend que le gouvernement américain évite autant que possible une attitude trop prononcée.

Continuer les hostilités n’est pas d’ailleurs chose facile. Disséminées sur des espaces immenses, les troupes des états ne sauraient couvrir le pays dont elles occupent les parties isolées. Les trois corps d’invasion qui ont agi séparément sur le Rio-Grande, dans le Nouveau-Mexique et dans la Californie, sont encore loin de pouvoir concentrer leurs efforts comme Santa-Anna semble concentrer ses moyens de résistance : on dirait au contraire que le général Taylor éparpille exprès sa division en petits détachemens qui ne frapperont jamais de grands coups. Il ne faut point non plus oublier les distances énormes sur lesquelles doivent s’étendre les lignes d’opération ; la base du général Taylor étant au Rio-Grande, et le but de ses mouvemens à Mexico, il a devant lui deux fois le che-