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céder sommairement contre lui sans condamnation ? Veut-on réveiller un déplorable scandale ? Admettons la supposition la plus douce, c’est que M. Olozaga sera reconduit à la frontière de France et que le congrès cassera son élection. Sur quel motif pourra s’appuyer le congrès, puisque aucun jugement ne pèse sur l’ancien ministre ? Il eût été plus sage de jeter un voile sur le passé, et de couper court à des difficultés qui peuvent engager le gouvernement et la majorité dans la funeste voie des violences arbitraires. C’est à la majorité, par sa modération et son accord, à conjurer de pareils périls ; qu’elle ne tarde pas à constituer une administration forte, où seront réunies les principales notabilités parlementaires.

De l’autre côté de l’Atlantique, le message de M. Polk caractérise amplement la situation générale des affaires et la situation particulière du président. Consacré fort au long à l’exposition des causes et des vicissitudes de la guerre qui arme encore les États-Unis contre le Mexique, le message a surtout pour but, d’une part de rassurer les Américains sur la bonté de leur entreprise, d’autre part de justifier le gouvernement actuel des accusations portées par ses adversaires contre son humeur guerroyante. La démocratie américaine ne gâte pas ses favoris, et le sans-gêne des mœurs politiques ne sauve au premier représentant de l’état aucune des difficultés de son compte-rendu. Cette confession solennelle n’a pas même les honneurs d’un accueil respectueux. Le secrétaire du président apporte le message dans la chambre des représentans. « Voyons ce qu’il dit sur la guerre ; allons, en avant ! dépêchons avec vos nouvelles, » s’écrie-t-on de toutes parts ; et, au moment où le secrétaire va lire cette grave communication, tous les membres, apercevant un paquet d’exemplaires imprimés sur un coin du bureau, se lèvent et courent les chercher pour se les distribuer. L’ordre un peu rétabli, et chacun couché sur son banc, le secrétaire donne lecture du message, interrompu ou redressé quand il se trompe par ceux des membres qui suivent sur leur exemplaire. L’inévitable embarras qui diminue la position du président des États-Unis, c’est que dans ses rapports avec le congrès, au lieu de rester toujours le chef de la république tel qu’il l’est au moment où il parle, il doit penser le plus souvent à servir ou à ménager sa candidature pour les prochaines élections ; il arrive de là qu’il ne se trouve pas quelquefois plus à l’aise sur le fauteuil de la présidence que sur les planches des hustings. Toutefois cette dépendance l’oblige à observer de plus près le mouvement de l’esprit public, à se conformer davantage, dans l’expression de ses desseins ou dans le récit de ses actes, aux jugemens et aux vœux de l’opinion. Par là surtout le message de M. Polk est très significatif. Certes M. Polk en a fait assez pour se croire des droits acquis à la reconnaissance publique, et les raisons ne lui auraient pas manqué pour vanter ses mérites, s’il avait pu compter encore, comme sur un appui solide, sur l’exaltation remuante des démocrates : il faut que les temps soient changés. M. Polk a été tout à la fois diplomate et conquérant ; il a vaincu l’Angleterre à propos de l’Oregon, l’Angleterre et la France combinées à propos du Texas ; il a occupé le Nouveau-Mexique et la Californie, il menace maintenant l’Eldorado mexicain, San-Luis de Potosi, et cependant il évite soigneusement tout ce qui pourrait ressembler à la joie d’un triomphe, réveiller les ambitions et les ardeurs populaires, ou exciter davantage encore la jalousie de l’Europe. Il ne nomme pas même la France ; il vante l’Angleterre pour la sagesse avec la-