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qu’ils combattent, et ils respectent le pouvoir royal, que vient de raffermir encore le mariage de la reine Isabelle.

Le parti progressiste a un autre écueil à éviter : il ne doit rien faire qui puisse le montrer à l’Espagne comme un instrument aux mains de l’étranger. Qu’il prenne garde, de nouvelles fautes sur ce point pourraient le dénationaliser entièrement. Pourquoi ne dirions-nous pas ici ce qui n’est pas ignoré du monde diplomatique ? C’est que l’Angleterre a moins que jamais abandonné la pensée de faire des progressistes les agens d’une révolution qui détruirait ce qu’elle a élevé elle-même, quand elle signait et exécutait le traité de la quadruple alliance. De nouveaux indices récemment recueillis viennent confirmer sur ce point les vues et les désirs du gouvernement anglais. N’est-il pas vrai qu’en Portugal la récente défaite de Bomfin a livré au gouvernement de la reine dona Maria des preuves irrécusables de la complicité de l’Angleterre avec les insurgés ? Le gouvernement anglais ne se propose pas de détrôner la reine dona Maria, ni surtout le roi Ferdinand ; mais il veut que le pouvoir en Portugal soit entre les mains du parti exalté, qu’il se flatte de diriger et de contenir dans certaines limites. Si le parti exalté était le maître en Portugal, quel levier pour agir sur l’Espagne ! On pourrait, des frontières du Portugal, lancer la guerre sur les états de la reine Isabelle, lier une nouvelle partie avec les progressistes espagnols, rendre à ces derniers l’ascendant et le pouvoir, et enfin, avec d’autres cortès, abolir l’ordre actuel de succession. Voilà des dangers sur lesquels il importe de ne pas fermer les yeux.

Le ministère espagnol, tel qu’il est aujourd’hui, ne suffit pas à la situation. Deux des hommes qui le composent, MM. Mon et Pidal, par leur habileté, par l’accord qui règne entre eux, seraient certainement faits pour donner de l’ascendant à ce cabinet : M. Mon notamment est aujourd’hui un des personnages les plus essentiels et les plus capables de mener à bonne fin l’organisation financière de l’Espagne ; mais l’homogénéité et par conséquent la force manquent à ce ministère, qui a été plus d’une fois en état de crise depuis quelques mois. Le président du conseil, M. Isturitz, dont l’énergie n’est plus ce qu’elle a été, semble avoir borné son ambition à conclure le mariage de la reine. De la probabilité de sa retraite résultent des tiraillemens, de l’incertitude, de fâcheuses alternatives de violence et de faiblesse, comme l’incarcération de M. Olozaga et la présidence de M. Viluma. Certes, nul n’a un caractère plus honorable que le nouveau président du sénat ; mais ses répugnances pour des institutions libres ne sont point un mystère. M. de Viluma a cherché à atténuer l’effet de sa nomination en lui enlevant toute couleur politique, et il n’a point fait attention que c’était là une autre manière de témoigner le peu de cas qu’il fait des doctrines constitutionnelles, car on ne peut admettre, en vérité, que la nomination d’un président du sénat soit une affaire qui se décide uniquement par des considérations personnelles. Le second fait où le cabinet de Madrid n’a pas montré moins de légèreté, c’est l’arrestation subite de M. Olozaga, qui allait prendre place au congrès, ou attendre du moins en Espagne la décision qui sera portée sur son élection. Certes, si on avait le projet de reprendre contre lui l’accusation dont il fut l’objet en 1843, à l’occasion de son court ministère, il ne pouvait y avoir aucun danger à le laisser arriver à Madrid. Qu’a-t-on voulu faire en l’envoyant à la citadelle de Pampelune ? A-t-on eu le dessein de pro-