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du Louvre et l’érection de l’arc de l’Étoile, traçant le plan de la rue Impériale, qui devait aller des Tuileries à la barrière du Trône. Cependant un nouveau code simplifiait la procédure civile ; l’organisation du conseil d’état était perfectionnée, et une loi en trois articles créait l’Université. C’est ainsi que Napoléon se reposait des fatigues de la guerre. Il avait l’activité de César, et, plus heureux en ce point que le dictateur romain, il eut plus de temps que lui pour fonder ces institutions civiles sur lesquelles, en grande partie, repose aujourd’hui la stabilité sociale. Enfin nous aurons donné une idée à peu près complète de tous les élémens qui concourent au vaste ensemble de ce sixième volume, quand nous aurons dit qu’on y rencontre, d’intervalle en intervalle, la trace des impressions contemporaines. Nous y voyons le peuple de Paris témoignant tantôt une certaine froideur à Napoléon, tantôt l’applaudissant avec fureur. Après Austerlitz, ce fut du délire. On sait combien Alexandre était sensible aux éloges ou au blâme des Athéniens ; Napoléon ne l’était pas moins à l’opinion de Paris.

Tout en portant au héros de son histoire une intime et profonde sympathie, l’écrivain garde en face de lui l’esprit calme et libre : il le juge avec indépendance. Dans le sixième volume, nous sommes à l’époque la plus belle de l’empire : c’est le soleil d’Austerlitz. Déjà cependant l’historien a des paroles sévères pour le protectorat exercé par Napoléon sur la confédération du Rhin : il blâme cette intervention dangereuse dans les affaires de l’Allemagne, intervention qui devait à la fois révolter l’Autriche et la Prusse, et finir par liguer contre nous tous les peuples allemands. Si M. Thiers condamne ainsi la confédération du Rhin, que dira-t-il des traités de Tilsitt, qui ôtaient à la Prusse la moitié de sa monarchie et faisaient d’un prince français un roi de Westphalie ? Il fallait, à Tilsitt, réaliser enfin le projet raisonnable de constituer fortement la Prusse, et lui faire accepter l’amitié de la France comme la condition nécessaire de son existence. Après Iéna, ce n’était plus difficile ; mais n’anticipons pas sur des faits dont bientôt l’historien nous donnera le récit, sur une époque où l’étoile de Napoléon ne s’égare si haut que pour commencer à descendre. L’empereur, au surplus, n’était pas sans la conscience de la fatalité qui l’entraînait. « J’ai entendu quelquefois Napoléon, raconte M. Meneval[1], caractériser sa position par cette exclamation exhalée dans le silence du cabinet : .L’arc est trop long-temps tendu ! » N’était-ce pas que Napoléon se reconnaissait emporté par une destinée qu’il ne pouvait plus maîtriser ?

Au lieu de répéter les éloges que nous avons déjà donnés à la manière dont M. Thiers écrit l’histoire, nous voudrions communiquer à nos lecteurs les dernières impressions que nous a laissées une nouvelle étude

  1. Napoléon et Marie-Louise, souvenirs historiques, tome III, pages 273-4.