la nôtre, il y a Voltaire et la révolution française ; mais l’Europe savante se souvient de l’érudit, et le cite encore comme le modèle, perdu peut-être, de ces hommes simples et forts qui ont élevé des monumens à jamais durables, en travaillant dans l’unique dessein « de rechercher et de publier la vérité sur un objet chéri. » Tout ce qui se rattache à ces hommes d’élite, au siècle glorieux de Louis XIV, à cette seconde antiquité, qui ne peut que grandir encore par la distance, et surtout par le contraste, nous intéresse à juste titre ; aussi félicitons-nous vivement M. Valery d’avoir rassemblé dans la Correspondance inédite et annoté avec un soin vraiment religieux ces lettres qui sont de véritables reliques pour les amis de notre histoire. La préface de l’éditeur en fait ressortir d’une façon piquante toute l’importance, et, en effet, les érudits et les bibliographes y trouveront d’utiles renseignemens sur les exhumations des textes et les éditions des livres ; ils y trouveront surtout, à côté du dévouement à la science, la simplicité qui en rehausse le prix, une bienveillance inaltérable envers ceux qui s’occupent des mêmes études, et cette urbanité qui fait le charme des rapports et la douceur de la vie ; car, par un contraste remarquable, ces moines, qui ont renoncé à tous les plaisirs, à toutes les joies du monde, adoucissent pour les autres leur austérité ; ils gardent, dans les relations, toute la grace, toute l’élégance de cette société avec laquelle ils ont rompu sans retour, et la politesse la plus exquise est encore pour eux une forme de la charité. Les prophètes ultramontains du néo-catholicisme pourront, ainsi que les savans, tirer quelque profit de la Correspondance ; ils y verront comment les hommes les plus orthodoxes du XVIIe siècle s’exprimaient sur le compte des philosophes, lors même qu’ils désapprouvaient leurs doctrines, comment alors on respectait le pape, en tant que pasteur des ames, sans se croire obligé de l’admirer comme souverain temporel, ce qu’on pensait des jésuites quand on les avait vus manœuvrer dans leur quartier-général, et du saint-office, quand on en connaissait les juges et les prisons. Enfin ceux qui cherchent dans les ruines de l’Italie d’autres souvenirs que les souvenirs de la papauté, ceux qui demandent une nation à cette terre féconde, s’ils parcourent ces lettres arrachées par hasard au secret des confidences intimes, s’arrêteront peut-être avec tristesse sur plus d’une page, étonnés de voir des moines, sujets de Louis XIV, désespérer de l’Italie, s’affliger d’y chercher les marques de l’ancienne liberté, pour n’en retrouver que des apparences, et résumer la vie d’un peuple, auquel cependant à aucune époque n’ont manqué ni les grands esprits, ni les grands courages, par ce mot qu’on peut écrire sur un tombeau : far niente.
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Ch. Louandre.