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cause, et qu’il n’y eût que des cantarine ; le pape ne veut pas qu’il y ait de cantarine, et qu’il n’y ait que des cabretti. Il se fait du mal par les uns et les autres ; il est plus énorme et peut-être plus ordinaire par les h… que par les f…  » Nous citons textuellement, en conservant la curieuse réticence de la missive.

La comtesse Carpegna, malgré ses soixante-dix ans, souffletait en pleine église l’auditeur de la chambre apostolique, et défiait, en se sauvant par les toits, tous les sbires de Rome ameutés à sa poursuite ; mais malheur à ceux qui se laissaient prendre, surtout quand ils étaient accusés d’avoir débité des nouvelles ! « Sa sainteté, dit la Correspondance inédite, fit mettre bien en prison quelques prêtres et autres qui faisaient courir dans Rome quelques nouvelles manuscrites qui disaient des mensonges et des vérités, et ils seront du moins envoyés aux galères. » C’était là en effet le minimum de la peine. Pour les laïques, on était plus sévère encore, et le saint père, entre autres exploits du même genre, fit pendre un jour un malheureux, âgé de plus de soixante ans, parce qu’il avait écrit sous la dictée d’un prêtre espagnol et distribué quelques anecdotes qu’on regardait comme scandaleuses. Le pape voulait absolument qu’on fît aussi mourir le prêtre ; mais le cardinal Spada, gouverneur de Rome, obtint sa grace sur la demande de la confrérie des Confortateurs, et sa mise en liberté fut l’occasion d’une fête publique. La confrérie, toute composée de cardinaux, de princes et de grands personnages, alla le chercher dans sa prison ; il fut rasé, poudré ; on lui mit sur la tête une couronne d’olives argentée, on le revêtit d’une robe de satin rouge, et, dans cet attirail, il fut conduit, un grand cierge à la main, dans l’église de Saint-Jean, escorté de la confrérie, gentilshommes, princes et notables bourgeois, qui marchaient tenant chacun un riche flambeau et la tête couverte d’un capuchon de toile noire percé de trous pour les yeux, la bouche et le nez. Arrivé à l’église Saint-Jean, on dit la messe en actions de grace. « La musique, la symphonie, les pétards, firent office, et on s’en revint aussi content que l’étaient les anciens Romains quand on leur avait accordé circum et escas. Le soir, tous les palais furent pleins d’illuminations, c’est-à-dire de flambeaux de cire blanche allumés deux à chaque fenêtre, et des feux de joie dans les rues, devant les palais. » Les amnisties ont été dans tous les temps assez rares à Rome pour y produire une vive sensation, et même l’enthousiasme.

Malgré les rigueurs du gouvernement pontifical, la satire allait toujours son train, et plus ce gouvernement se montrait ombrageux, plus les Italiens se perfectionnaient dans l’art d’en médire : c’est une remarque de nos bénédictins. À propos de l’exécution du vieillard dont nous venons de parler, et des quiétistes qu’on persécutait avec ces raffinemens que la fausse dévotion inspire à la haine, Pasquin fit savoir à Marforio qu’il voulait quitter Rome, attendu, disait-il, que : Chi parla è mandato in galera ; chi scrive è impiccato ; chi sta quieto va al sant’ officio. Quelquefois la censure partait de l’église elle-même, et, dans un livre intitulé du Double martyre des évêques d’Italie, un prélat napolitain représenta au vif « le rabaissement de leur caractère, les bassesses auxquelles on les soumet, les pensions dont on les accable, les jugemens canoniques qu’on leur ôte. » Les examinateurs de l’index, s’imaginant qu’il était question d’évêques et de martyrs de la primitive église, donnèrent leur approbation ; on ne tarda point cependant à reconnaître la méprise ; le livre fut interdit, mais les bénédictins s’empressèrent d’en signaler l’apparition, « certains, disaient-ils,