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et sur leurs recherches avec un dédain très inconséquent, ou, si l’on aime mieux, trop conséquent à l’esprit général qui régnait vers 1811. Elle est de M. Royer-Collard cette phrase, assurément très spirituelle, mais qui ferait grand honneur à un sceptique : « L’histoire de la philosophie est-elle une étude stérile ? Non, messieurs, il n’en est point de plus instructive et de plus utile, car on y apprend à se désabuser des philosophes et on y désapprend la fausse science de leurs systèmes. » Certes, un théologien ou un homme du monde ne dirait pas mieux, et il est difficile de caractériser avec plus de sans-façon les efforts de l’esprit humain, appliqués depuis plus de trois mille ans à la recherche de la vérité. Entre l’homme du monde que le mot de philosophe fait sourire et le grave professeur, je ne vois ici qu’une seule différence, c’est la conclusion, et elle est tout à l’avantage du premier. M. Royer-Collard dit : « L’histoire de la philosophie est absurde, et c’est par là qu’elle est bonne à étudier. » L’homme du monde dit : « L’histoire de la philosophie est absurde, et c’est pour cela que je crois pouvoir me dispenser de l’étudier ; il vaut bien mieux la mépriser sur parole, je m’en réfère aux philosophes jugeant la philosophie. » M. Royer-Collard n’a pas vu qu’il est bien difficile de séparer le mépris de la philosophie du mépris de son histoire, et du mépris de la philosophie celui de la raison même, dont elle n’est que la forme réfléchie et l’application continue. En politique, il n’a pas non plus échappé à la contradiction, et il lui est arrivé, selon la forte expression de M. de Rémusat, d’entreprendre parfois contre le possible. M. Royer-Collard eut un grand esprit, un noble cœur, un beau caractère ; mais je ne pense pas qu’ils furent toujours d’accord. Au reste, à ceux qui lui reprochent avec tant d’amertume ces contradictions, je répondrai : D’abord elles ne tombent que sur des détails et sur telle ou telle application partielle de ses opinions, non sur l’ensemble de sa vie et de ses doctrines, lesquelles présentent une grande unité ; ces doctrines et cette vie portent clairement écrit un seul principe : « Alliance de l’ordre et de la liberté. » S’il a fléchi en accordant, suivant les circonstances, un peu trop à l’un ou à l’autre, il n’a fléchi ni dans ses convictions, ni dans ses intentions. Il a donc la plus belle unité dont l’homme puisse se glorifier, la seule peut-être qui dépende entièrement de son libre arbitre, l’unité morale.

Ensuite, je demanderai si la contradiction, ce crime irrémissible entre tous aux yeux de beaucoup de gens qui n’estiment rien que par la logique, est si facile à éviter entièrement à un esprit jaloux de concilier entre eux, soit les élémens si divers de la nature humaine, soit les élémens si complexes de la politique. Voyez tous les grands esprits conciliateurs, voyez, car je veux prendre haut mes exemples, voyez