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élu le surplus de l’éloge, cru l’auteur de Cinq-Mars, après avoir tracé de M. Étienne un portrait que les amis du mort trouvent légèrement idéalisé, cité lui-même par la raison sévère d’un homme d’état devant le tribunal de la vérité historique et littéraire ? De pareils spectacles étaient bien faits pour étonner ceux qui pensent que ces solennités ne sont et ne peuvent être que des tournois de complimens. Peut-être même pouvaient-ils avec quelque apparence de raison en emporter la crainte qu’en laissant pénétrer chez elle plus de franchise et de liberté, l’Académie française n’ouvrît en même temps accès aux habitudes agressives de la tribune politique. Pour nous, nous aimons mieux ne reconnaître dans ce qui s’est passé que le symptôme un peu vif peut-être de l’heureuse innovation qui conciliera davantage la louange avec la vérité ; nous croyons qu’il serait au moins prématuré de craindre qu’on ne loue plus assez à l’Académie. Mais ce qu’on peut approuver sans réserve et sans inquiétude, c’est le caractère généralement plus sérieux de ses réunions. Ce qui n’était autrefois qu’une exception assez rare, je veux dire un discours qui contint une idée quelconque, semble de plus en plus devenir la règle. Non-seulement les révérences sont moins longues, non-seulement les critiques ou les restrictions tempèrent davantage l’hyperbole des congratulations, mais la peinture des hommes marquans et des temps où ils ont vécu est présentée en termes moins généraux et moins vagues, et quand ni le héros mort, ni le héros de la solennité (ce qui peut se rencontrer), ne fournissent une suffisante matière, on se plaît davantage à agiter à leur propos quelques-unes des questions que soulèvent l’art, l’histoire, la politique, la philosophie. C’est une habitude dans laquelle l’Académie fera bien de persévérer, suivant en cela le goût du siècle et sa propre destination. N’est-ce pas le secret du talent, surtout quand il se présente avec l’attrait de curiosité et de faveur qui s’attache aux noms connus, de savoir captiver à ces hauts sujets même un auditoire un peu frivole ? Toucher avec rapidité, mais avec précision et clarté quelque point offert par la poésie ou la langue, par l’histoire ou la théorie littéraire, par la pratique des affaires publiques ou le développement de l’esprit humain, faire plutôt des études que des éloges, être, en un mot, autant que le sujet indiqué le permet, sérieux par le fond, en même temps qu’ingénieux ou éloquent par l’expression, voilà le type peu commun, il faut l’avouer, peu facile, nous en convenons, mais non toutefois inaccessible, que nous voudrions voir se réaliser de plus en plus dans ce genre de discours où pendant si long-temps la phrase a régné en souveraine absolue.

On pouvait se convaincre que ce n’est point là un idéal chimérique, un portrait de fantaisie, en écoutant M. de Rémusat venant prendre séance à la place laissée vacante par M. Royer-Collard. Le discours du