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de le livrer au commerce, elle est forcée, dans cette élaboration, de faire appel à quelques autres industries dont elle dépend. Elle a besoin surtout du combustible qu’elle ne trouve pas en elle-même et qui lui vient d’ailleurs. Par là, elle relève, d’une part, de l’industrie des extracteurs de houille, de l’autre, par le combustible végétal dont elle fait usage, de l’agriculture, qui lui fournit les bois. La solution complète, satisfaisante, du problème relatif aux fers suppose donc la solution préalable de la question des houilles, et de celle, plus grave ou plus délicate, de l’agriculture et des produits agricoles. Ajoutons à cela que trente années d’une jouissance non interrompue du monopole ont créé, pour l’industrie du fer, une situation embarrassée, complexe, anormale, d’où elle ne sortirait pas tout d’un coup sans embarras. Voilà pourquoi nous admettons pour la métallurgie des tempéramens dont l’industrie des houillères n’a pas besoin. La suppression absolue, immédiate, de tous droits protecteurs, si elle n’entraînait pas la ruine entière des forges françaises, ce que nous sommes loin d’admettre, y causerait du moins un trouble profond qu’un législateur sage doit avoir à cœur d’éviter. C’est en conciliant, autant qu’il est possible de le faire, les justes exigences du pays avec les ménagemens dus à une industrie existante, que nous croyons pouvoir proposer, quant à présent, une réduction de moitié sur les droits. Cette réduction n’aurait d’ailleurs rien d’excessif, et nous espérons montrer bientôt qu’elle peut être admise dès aujourd’hui sans danger.

Avant tout cependant, il convient de montrer ce que le monopole actuel coûte à la France, de mesurer en quelque sorte l’étendue des sacrifices qu’il nous impose, afin de faire comprendre à tout le monde l’urgente nécessité d’une décision.

Lors de l’enquête de 1828, on reconnut en fait que l’industrie du fer imposait à la France, par la cherté relative de ses produits, un sacrifice annuel de 30 millions, et les maîtres de forges avouèrent eux-mêmes ce dernier chiffre. À ce compte, depuis 1814, date de l’existence du monopole, il aurait coûté an pays bien près d’un milliard. Il s’en faut de beaucoup cependant que ce calcul donne la mesure exacte de nos pertes. Ce n’est plus aujourd’hui 30 millions, comme on le répète encore souvent par habitude, c’est une somme beaucoup plus forte que le monopole dévore tous les ans, même en ne tenant compte que du dommage immédiat et direct qui résulte de la surcharge des prix. La plaie s’est bien agrandie à mesure que la consommation s’étendait, et, de quelque manière que l’on fasse aujourd’hui le compte, on aura bien de la peine à ne pas reconnaître un chiffre double pour le moins du chiffre admis en 1828. Que sera-ce si, au dommage direct qui peut se supputer rigoureusement en chiffres, on ajoute le dommage indirect, qui n’est pas moins réel ni moins grand, quoique moins apparent