Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant que l’importation belge s’accroissait dans la proportion qu’on vient de voir, que l’importation anglaise prenait aussi, d’autre part, un développement jusqu’alors inconnu[1], la production indigène ne laissait pas de s’accroître dans des proportions égales, puisque, de 24,800,000 hectolitres en 1834, elle s’élevait à 37,800,000 en 1844 ; et ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les houillères du bassin de Valenciennes figurent au nombre de celles qui ont pris la plus grande part à cette augmentation[2] ; c’est qu’en raison de l’abaissement des, prix, la consommation a pris un tel essor, qu’elle a doublé dans une période de douze ans[3]. Si l’amélioration successive des voies de communication a concouru à ce résultat, ce qui est incontestable, il n’est pas moins certain que la réduction opérée sur les prix en réclame une large part. : ce point de vue, on pourrait même dire qu’une suppression absolue du droit, loin de nuire aux extracteurs du Nord, leur serait plutôt favorable en ce que, si elle les forçait à réduire dans une certaine mesure leurs prix, elle leur ferait bientôt trouver un ample dédommagement dans l’accroissement de la demande et dans le développement de leurs exploitations.

Une seule voix pourrait s’élever aujourd’hui, avec quelque apparence de raison, contre cette bienfaisante réforme : c’est celle du ministre des finances, gardien naturel du trésor public. Les droits perçus sur les houilles étrangères ont produit au trésor, en 1844, 3,700,000 fr. Ce revenu, quoique faible, n’est pas à dédaigner. Nous ne pouvons croire toutefois, en considérant l’extrême utilité du produit sur lequel ce revenu se prélève, que le gouvernement hésite à en faire le sacrifice, surtout s’il entrevoit la possibilité, et nous espérons la montrer clairement plus tard, de compenser largement cette perte dans un remaniement intelligent de nos tarifs. Comment croire d’ailleurs qu’il persiste, dans l’unique intérêt des finances publiques, à grever les houilles de taxes à l’entrée, au moment même où il impose à l’état de grands sacrifices pour en faciliter l’importation dans le pays ? Ce serait annuler d’une main le bienfait qu’on accorde de l’autre ; ce serait rendre inutiles et vains une grande partie des travaux qu’on entreprend.

Tous les droits établis sur les houilles étrangères peuvent donc et doivent aujourd’hui disparaître entièrement ; ils n’ont que trop long-temps pesé sur le pays. Il ne conviendrait pas même, selon nous, de les remplacer par un simple droit de balance, car il faut, autant que

  1. L’importation des houilles anglaises, pendant long-temps stationnaire, et qui n’était encore, en 1834, que de 489,000 hectolitres, s’est élevée, en 1844, à 3,675,000, sans compter 600,000 hectolitres destinés aux bêtimens à vapeur de notre marine marchande.
  2. Voyez le dernier compte-rendu de l’administration des mines.
  3. 27,300,000 hectolitres en 1833, et 57,800,000 en 1844.