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nuit, les deux amiraux montrèrent le lendemain la même indécision, la même répugnance à renouveler le combat. Calder, que Collingwood nous a peint dévoré d’anxiété devant le Ferrol ; fléchissant, comme Villeneuve, sous le poids de la responsabilité, Calder comprit mal son devoir en cette circonstance. Content d’un médiocre avantage, il laissa notre armée libre de sa manœuvre et cessa de s’opposer à une jonction qu’il avait l’ordre de prévenir. Quant à Villeneuve, moins que Calder encore il eût dû accepter comme définitive cette première épreuve. Ses vaisseaux se montraient pleins d’ardeur ; ils s’étaient battus avec un enthousiasme et un entraînement qui rappelaient les plus glorieux temps de notre marine ; les Anglais hésitaient et se tenaient sur la défensive. Jamais chance plus belle de livrer un combat heureux ne s’était offerte à un amiral ; cette chance, Villeneuve l’eût saisie peut-être sans ces fatales doctrines qui pendant vingt ans ont ouvert la porte à tant de faiblesses : il la sacrifia à l’espoir d’accomplir sa mission. Jusqu’au 25 juillet, il chercha à gagner le Ferrol : rebuté par trois jours de lutte inutile, il laissa enfin arriver sur Vigo et entra dans ce port pour y réparer ses avaries.


V.

Un premier pas était fait ; la flotte de Villeneuve était revenue des Antilles en Europe. De Vigo Villeneuve écrivit à l’amiral Decrès :


« Si, comme je devais l’espérer, lui dit-il, j’eusse fait un trajet prompt de la Martinique au Ferrol, que j’eusse trouvé l’amiral Calder avec 6 vaisseaux ou au plus 9, que je l’eusse battu, et après avoir rallié l’escadre combinée, ayant encore un mois et demi de vivres et de l’eau, j’eusse fait ma jonction à Brest et donné cours à la grande expédition, je serais le premier homme de France. Eh bien ! tout cela devait arriver, je ne dis pas avec une escadre excellente voilière, mais même avec des vaisseaux très ordinaires. J’ai éprouvé dix-neuf jours de vents contraires ; la division espagnole et l’Atlas me faisaient arriver tous les matins de 4 lieues, quoique la plupart des vaisseaux fussent la nuit sans voiles. Deux coups de vent de nord-est nous ont avariés, parce que nous avons de mauvais mâts, de mauvaises voiles et de mauvais gréemens, de mauvais officiers et de mauvais matelots. Nos équipages tombent malades ; l’ennemi a été averti. Il s’est renforcé ; il a osé venir nous attaquer avec des forces numériquement bien inférieures : le temps l’a servi. Peu exercé aux combats et aux manœuvres d’escadre, chaque capitaine, dans la brume, n’a suivi d’autre règle que de suivre son matelot d’avant, et nous voici la fable de l’Europe. »


Les plaintes de l’amiral Villeneuve étaient en partie fondées ; malheureusement la clairvoyance d’un homme irrésolu ne vaut pas, dans la plupart des affaires de ce monde, l’aveuglement d’un homme énergique. Si Villeneuve, convaincu que de mauvais vaisseaux ne sont qu’un embarras, eût pris sur lui de servir les desseins de l’empereur au risque