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chose ; ensuite elle donnerait satisfaction à l’opinion publique, qui est aujourd’hui un peu fatiguée de tant de redites. Puisque les circonstances ne lui sont pas favorables, qu’elle attende ; la situation se modifiera. Nous ne resterons pas toujours en froid avec l’Angleterre ; de part ni d’autre, on ne voudra tenir long-temps dans cette position fausse et nuisible aux deux pays. Il est probable qu’on se rapprochera. Que l’opposition veille aux conditions du rapprochement ; quand même ses critiques seraient exagérées ou peu fondées, elles ne lui seront pas reprochées, parce qu’elles seront dans son rôle. Ce rôle, l’opposition l’a déjà rempli avec honneur pour elle et profit pour le pays. Pendant ces seize dernières années, elle ne s’est pas constamment méprise sur les vrais sentimens de la nation. Quand, en 1840, elle accueillait avec tant de froideur et de méfiance la formation du cabinet actuel, elle était l’interprète un peu trop vif peut-être, mais nécessaire, d’une susceptibilité assez générale et assez fondée. Satisfaite qu’elle avait été de la politique des ministres du 1er mars, sans inquiétude sur la marche que les affaires prenaient sous leur direction, il est assez simple que l’opposition ne sût pas un gré infini à leurs successeurs de la bonne volonté qu’ils mettaient à recueillir leur héritage. Elle n’était surtout pas tenue de prévoir qu’entrés au pouvoir à la suite d’un fâcheux échec pour notre diplomatie, ils lui ménageraient un jour une heureuse revanche, et qu’avant six ans le succès des mariages espagnols compenserait les revers de la Syrie. L’opposition n’avait pas tort non plus, en 1841 et 42, quand elle retenait le cabinet trop empressé de rentrer dans le concert européen, et de renouer avec les puissances de l’Europe ces rapports intimes dont les récens événemens ont si bien fait sentir le néant. Elle faisait preuve aussi de sens politique quand elle montrait si peu d’inclination pour nos établissemens dans l’Océanie, établissemens ruineux, compromettans et inutiles, et qui ont fait payer si cher, par les embarras qu’ils ont causés, le semblant de gloire qu’ils ont procuré. Il y a dans le pays, au sein même de la majorité, des personnes que l’opposition compte avec raison parmi ses adversaires, qui ne demandent pas mieux que de convenir des services qu’elle a pu rendre, et de reconnaître ceux qu’elle pourra rendre encore. L’existence d’une opposition forte et bien constituée est indispensable au jeu régulier de nos institutions. Il est bon en soi et avantageux pour le public que les ministres, même les meilleurs, se sachent surveillés par des adversaires infatigables, prêts à éplucher leur conduite, à en scruter minutieusement les plus secrets mobiles. Ce constant éveil où sont tenus les hommes qui gouvernent par la nécessité d’avoir à chaque instant raison, d’être à chaque instant en mesure de donner les motifs de leurs déterminations, n’est pas une des moindres garanties que notre régime représentatif offre à la sécurité publique. Supprimez par la pensée cet excitant d’une opposition