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emprisonnés dans d’étroites séries tantôt uniques, tantôt parallèles, qui laissent le néant à droite et à gauche, au-dessus et au-dessous. A la surface de notre globe comme dans l’immensité des cieux, nous verrons la puissance créatrice, s’exerçant librement en tout sens, faire germer les plantes et se développer les animaux comme elle a produit les étoiles, les distribuer en groupes naturels comme elle a réuni les constellations, rattacher enfin leurs mille familles par des liens simples et multiples, comme elle a rendu dépendans l’un de l’autre les mondes qui peuplent l’espace.

Au reste, les doctrines que nous défendons ici viennent de recevoir une de ces confirmations éclatantes qui ne permettent plus même le doute. La paléontologie, cette science qui date de Cuvier seulement, mais dont les progrès ont été si rapides, est arrivée, de son côté, à des résultats absolument semblables, en étudiant l’ordre de succession des animaux depuis les anciens temps géologiques jusqu’à nos jours. La vie ne s’est pas glissée à la surface du globe peu à peu et comme à la dérobée, par l’intermédiaire d’êtres d’abord très simples qui, se complétant de plus en plus, auraient donné naissance à des animaux plus parfaits. Le règne animal ne présente pas un développement unique et progressif. Bien au contraire. Dès le début, nous voyons apparaître à la fois les quatre groupes fondamentaux qui partagent encore aujourd’hui l’ensemble des animaux. Vertébrés, annelés, mollusques, rayonnés, se retrouvent à côté les uns des autres dans les plus anciennes couches à fossiles. Bien plus, les trois embranchemens inférieurs possèdent, dès cette époque reculée, des représentans de presque toutes les classes actuelles, et s’il en est autrement pour les vertébrés, si les reptiles, les oiseaux et les mammifères manquent à ces faunes primitives, on trouve facilement l’explication de leur absence dans un ensemble de conditions extérieures incompatibles avec leur genre de vie. Puis, à mesure qu’on s’élève à travers des couches géologiques de plus en plus modernes, on voit chacun de ces types se modifier, tantôt se perfectionnant graduellement jusqu’à l’apparition de l’homme, à peu près comme nous avons vu la jeune térébelle gagner quelque chose à chaque phase de son existence ; tantôt perdant ses espèces les plus parfaites, ne conservant que ses espèces inférieures et formant ainsi des séries récurrentes, comme nous voyons encore aujourd’hui certains animaux, les lernées, par exemple, se déformer par les progrès même de leur évolution. N’y a-t-il pas dans cet accord quelque chose de merveilleux ? Aussi M. Agassis, qui, dans ses ouvrages sur les poissons et les échinodermes fossiles, a insisté d’une manière toute spéciale sur ces grandes considérations, n’a-t-il pas craint de formuler en ces termes la conséquence où l’a conduit l’ensemble de ces magnifiques travaux « L’arrangement