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une exception des plus remarquables. Tous ces faits, appuyés sur des préparations d’une extrême délicatesse, ont été mis sous les yeux des juges les plus compétens, et les conséquences en sont réellement importantes. Elles ont conduit à reconnaître qu’on avait confondu jusqu’à ce jour, sous une dénomination commune, des animaux très différens ; elles ont permis d’apprécier les rapports qui rattachent ces divers types aux groupes déjà établis ; enfin elles enlèvent aux animaux regardés comme dépourvus de système nerveux toute une classe ou, mieux peut-être, trois classes extrêmement nombreuses.

C’est là un résultat considérable. Le système nerveux, a dit l’illustre auteur du Règne animal, est, pour ainsi dire, l’animal tout entier. Nous sommes loin d’accepter cette doctrine dans toute sa rigueur. Cependant nous ne saurions refuser une importance extrême à l’appareil qui, chez les êtres les plus élevés, distribue la vie à toutes les parties de l’organisme. L’absence de cet appareil est pour nous un fait grave qui met, pour ainsi dire, dans une catégorie à part, les animaux chez qui elle a été définitivement constatée ; seulement le nombre de ces derniers est assez restreint. A mesure qu’on étudie attentivement les animaux les plus dégradés en apparence, on reconnaît que cet appareil existe dans le plus grand nombre. Déjà Cuvier l’admettait chez les animaux classés par lui dans les trois premiers embranchemens ; il le niait ou le regardait comme à peu près nul chez tous les rayonnés. Depuis quelques années, MM. Tiedmann, Costa, Krohn, en ont démontré l’existence dans le groupe des échinodermes dont font partie les étoiles de mers MM. Ehrenberg, Milne Edwards, l’ont décrit chez les acalèphes, qui renferment les méduses et les béroés ; nous-même l’avons retrouvé chez les némertes et les planaires, animaux qui tiennent de très près à certains intestinaux, quoique vivant en pleine eau. Une bonne moitié au moins des rayonnés et tous les vers possèdent donc des nerfs aussi bien que les animaux supérieurs.

Une question des plus intéressantes se rattache à celle de l’existence ou de l’absence de l’appareil nerveux. Quelles relations existent entre le monde extérieur et les derniers représentans de la création animale ? Les annélides, les étoiles de mer, les méduses, voient-elles, entendent-elles ? Lamarck, guidé par des idées théoriques, leur refusait toute sensation ; il désignait la plupart des animaux inférieurs par la dénomination d’animaux apathiques. Sans être aussi explicite, Cuvier semble incliner vers cette manière de voir, qui est encore aujourd’hui celle de quelques hommes d’un mérite réel. Pourtant l’expérience et l’observation nous semblent en désaccord avec ces théories : non-seulement un très grand nombre d’animaux inférieurs possèdent des organes sensoriaux et doivent, par conséquent, percevoir des sensations, mais encore