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c’est-à-dire de masses centrales d’où partent les rameaux qui vont dans tout le corps porter la sensibilité et le mouvement. M. Blanchard découvrit dans cet appareil une complication bien inattendue ; il montra que chez certaines espèces ces ganglions se multiplient, et qu’au lieu des cinq ou six reconnus jusqu’à ce jour, il en existait près d’une trentaine.

Au reste, ce premier travail de M. Blanchard sur le système nerveux des invertébrés a été pour ce naturaliste un point de départ qui l’a conduit à des résultats bien autrement importans. Doué d’une grande sûreté de main et d’une vue de myope qui lui permet de distinguer, sans le secours des instrumens, les filets les plus déliés, il a courageusement entrepris des recherches de même nature sur le système nerveux des insectes, recherches dont l’extrême difficulté a fait reculer la plupart des naturalistes. Ici ses peines ont été récompensées par la découverte d’un système nerveux tout entier, spécialement consacré aux organes de la circulation et de la respiration. C’est là un exemple très remarquable de division dans le travail physiologique, et en même temps une nouvelle preuve que plus on examine de près ces êtres trop dédaignés, plus on reconnaît qu’ils ont aux yeux du Créateur tout autant d’importance que les animaux de grande taille. Déjà les travaux de Lyonnet sur la chenille du saule, ceux de Strauss sur le hanneton, ont montré que la complication organique est tout aussi grande chez les insectes que chez l’éléphant lui-même, et M. Blanchard, en ajoutant encore des faits importans à ceux qu’avaient découverts ses devanciers, a confirmé une fois de plus ce résultat général.

Enhardi par ces premiers succès, M. Blanchard a poursuivi ses études sur le système nerveux jusque chez ces êtres étranges dont l’existence et le mode de propagation ont été de tout temps, et sont encore de nos jours, un des plus curieux problèmes de la zoologie. Nous voulons parler des helminthes ou vers intestinaux, de ces animaux qui se développent parfois au milieu même des tissus vivans, dans l’épaisseur des muscles, au milieu du cerveau, dans le globe de l’œil, c’est-à-dire sur les points en apparence les mieux défendus contre toute attaque venant du dehors. Lamarck, Cuvier, leur avaient refusé presque absolument tout système nerveux. Bien des naturalistes partageaient encore cette opinion, et, si quelques observations éparses dans la science justifiaient le doute philosophique du plus grand nombre, rien du moins n’autorisait à admettre d’une manière générale que ces animaux eussent un appareil nerveux nettement caractérisé. Pourtant M. Blanchard a montré qu’il en était ainsi. Il a confirmé ou rectifié, par de nombreux exemples, les faits recueillis sur les distomes, sur les nématoïdes, par Bojanus, Mehlis, Laurer, Cloquet, etc. Il a montré dans les toenias une disposition des plus curieuses, et qui fait de ces vers, déjà si singuliers à tant d’égards,