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ambrées ou le rouge foncé du corail, selon que ce liquide abandonne leurs rameaux ou afflue jusque dans leurs dernières divisions. De la tête s’échappe une touffe de cent à cent cinquante filamens blancs, extensibles et contractiles, toujours en mouvement. Ce sont autant de câbles animés que l’animal peut étendre à plus d’un pied en tout sens, et qui lui servent de bras. Tantôt fixés par leur extrémité, ils permettent à la térébelle de se hisser sur les corps les mieux polis, sur les parois d’un vase de verre par exemple ; tantôt, saisissant au loin des grains de sable, des fragmens de coquille, ils les ramènent près de l’annélide, les disposent autour du corps dans l’ordre nécessaire, et bientôt ces matériaux, soudés ensemble par une humeur visqueuse, constituent un tube, une galerie souvent très longue, où l’animal vit en sûreté. A l’époque de la reproduction, le corps entier des térébelles femelles se remplit d’œufs qui, par un mécanisme encore inconnu, sont pondus tous à la fois, et qui, retenus par une sorte de gelée transparente, forment à l’entrée du tube une masse à peu près sphérique assez considérable. Des phénomènes analogues se passent chez les térébelles mâles ; mais la liqueur fécondante expulsée par ces derniers se répand librement dans l’eau environnante et va en tout sens porter la vie aux germes que son contact doit éveiller. Ici, comme chez les poissons, la nature semble s’en remettre au hasard pour assurer la perpétuité de l’espèce, et pourtant tout est disposé pour que ce grand but ne puisse manquer d’être atteint. Pas une seule des nombreuses masses d’œufs que nous avons recueillies n’est restée stérile dans nos vases, preuve évidente que toutes avaient subi le contact vivifiant de ce liquide, qui semble porter avec lui le feu de Prométhée.

Aussitôt après la fécondation, l’œuf des annélides devient le siège de mouvemens mystérieux analogues à ceux que MM. Prévost et Dumas ont les premiers découverts dans l’œuf des grenouilles. Les élémens du jaune ou vitellus se groupent de diverses manières et finissent par présenter quatre masses distinctes, refoulées dans le centre de l’œuf par une substance blanchâtre et grumeleuse. Le travail génétique marche rapidement, et bientôt on a sous les yeux une sorte de sac sphérique dont l’intérieur est entièrement occupé par ce qui reste du vitellus. Nul organe n’est encore visible ; seulement deux petits points colorés marquent dès cette époque la place des yeux. C’est dans cet état d’imperfection extrême que les jeunes térébelles brisent la membrane de l’œuf. Au moment de l’éclosion, leur corps est arrondi, hérissé de toutes parts de cils vibratiles. Dans cet état, elles ressemblent à certains infusoires, et tout autant peut-être à ces corps reproducteurs des végétaux inférieurs que M. Thuret nous a fait connaître, et qui, pendant quelques heures, présentent les caractères de l’animalité ; mais le doute n’est pas long-temps possible. L’embryon se déploie, s’allonge, fait saillir en