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une masse spongieuse semblable à de la mousse de savon consolidée qui l’empêche de couler à fond. Toutes ces productions de la haute mer furent soigneusement disposées dans des bocaux pour être examinées à terre. Grace à ces occupations variées, nous supportâmes patiemment la lenteur de notre marche, entravée tantôt par le calme, tantôt par des vents contraires. Enfin, après une seconde nuit passée à une demi-lieue du phare, nous pénétrâmes dans l’étroit canal qui sépare la Sicile de l’Italie, et, une heure après, nous prenions terre sur le quai de Messine au moment où le soleil, se levant derrière les Calabres, dorait le sommet des Pelores, dont la chaîne s’avance jusqu’au détroit et domine la ville.

Pour des naturalistes qui depuis près de quatre mois n’avaient d’autre société que leurs matelots, Messine avait un attrait tout particulier. Nous trouvions ici à parler science. A l’hôtel de la Vittoria, nous rencontrâmes le célèbre voyageur allemand Rüppel, qui, après deux voyages en Abyssinie et sur les bords de la mer Rouge, était venu en Sicile étudier les poissons de la Méditerranée. M. Tardi, jeune mathématicien déjà connu par plusieurs publications intéressantes, le docteur Cocco, naturaliste qui lutte courageusement contre l’indifférence d’un public ignorant et le mauvais vouloir d’une autorité soupçonneuse, le docteur Cupari, que son rare mérite a fait appeler à l’université de Pise, venaient chaque jour assister à nos travaux, et, grace à ces douces causeries, le travail semblait plus facile et plus fructueux. Cependant il fallut bientôt reprendre notre vie errante ; une dizaine de jours avaient suffi pour explorer le port de Messine et les sables rejetés par les tourbillons de Carybde. La Sainte-Rosalie reprit donc la mer, et, filant le long de la côte escarpée qui borde cette portion de la Sicile, nous déposa dans le petit havre de Jardini, au pied des montagnes qui portent Taormine et son magnifique théâtre, en face de l’Etna, dont les noires coulées arrivaient jusqu’à nous. Là, nous reprîmes nos recherches avec un redoublement d’ardeur. Voyant arriver la fin de la campagne, nous cherchions bien moins à découvrir du nouveau qu’à terminer nos études ébauchées. Nous fûmes servis à souhait ; la baie de Taormine semblait vouloir seconder ce désir, et, malgré une chaleur dévorante qui chaque jour faisait monter nos thermomètres à 45 degrés, nous menâmes à bonne fin bien des travaux dont quelques-uns avaient été commencés à la Torre dell’ Isola.

Dans les diverses stations que nous venions de parcourir, M. Edwards avait complété ses recherches sur les acalèphes ; il avait terminé sur la circulation ses premiers travaux dont nous avons déjà parlé[1], et qui devaient plus tard, grace aux collections réunies par M. Valenciennes et à la collaboration de ce naturaliste, acquérir un caractère

  1. Voyez la livraison du 15 octobre.