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la même. A l’ouest, à l’est, au sud-est, les chaînes de montagnes peu élevées s’abaissent peu à peu vers la mer, se terminent en collines ondulées, ou, s’effaçant entièrement, forment des plaines étendues, des plages basses, couvertes de marais salins. Quelques pics isolés, parfois d’origine franchement volcanique, comme le Monte-Rosso, s’élèvent au-dessus des autres, mais dépassent à peine la hauteur de deux mille pieds ; seul, le Monte-Caramata porte à plus de quatre mille pieds ses roches calcaires, qui dominent la ville d’Orte. Au centre de l’île, les montagnes grandissent, et plusieurs d’entre elles ont plus de trois mille pieds de haut ; toutefois la véritable région montagneuse de la Sicile est au nord et au nord-est. Ici les forces souterraines, déployant toute leur puissance, ont poussé, à travers les calcaires, les grès et les schistes argileux, de puissantes coulées de gneiss et de granite. Les monts Pelores, les Madonies, comptent de nombreux sommets élevés à plus de quatre mille pieds au-dessus du niveau de la mer ; quelques-uns dépassent cinq mille pieds, et l’un d’eux, le Pizzo di Palermo, atteint près de six mille pieds.

De ces hautes chaînes, étendues comme un rideau de Palerme à Messine, se détachent çà et là des caps, de petites presqu’îles dont les bords dentelés semblaient nous promettre d’abondantes récoltes. Après maintes délibérations, il fut décidé que nous les visiterions en quittant Favignana. Pour mettre à profit ce mouvement rétrograde, nous résolûmes d’abandonner encore une fois notre embarcation. Perone reçut l’ordre d’aller nous attendre à Céphalu, et, accompagnés seulement du fidèle Carmel, guidés par les muletiers qui nous avaient loué nos montures, nous traversâmes la partie de la Sicile la plus rarement visitée par les étrangers. Ici, comme à Trapani, nous rencontrâmes à chaque pas les traces affligeantes d’une civilisation en arrière, héritant d’une splendeur qui n’est plus. A Castelvétrano, l’église où repose le vainqueur de Lépante dépérit avec ses merveilles ignorées, à deux lieues des ruines gigantesques de Sélinonte, l’antique rivale de Carthage et de Syracuse. A Salèmi, à Calatafimi, les vieux châteaux sarrasins ou normands ouvrent leurs donjons démantelés à une population en guenilles, que notre présence semblait frapper d’un incroyable étonnement. A Alcamo, ville de vingt mille ames, aux larges rues dallées, placée sur l’unique grande route de la Sicile, et qui est une des principales étapes des princes palermitains en voyage, nous fûmes obligés, comme partout ailleurs, de prêter au maître d’hôtel l’argent nécessaire pour acheter notre dîner. Dans tout le trajet, le long des sentiers comme sur la route royale, nous ne rencontrâmes pas un seul voyageur qui ne fût armé : toujours la carabine ou l’escopette, placées en travers de la selle, trahissaient, ou les habitudes d’un autre âge, ou des craintes motivées par des dangers présens. Enfin, et ce fait nous semble mieux que tout autre peut-être