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diplomaties de la France et de l’Angleterre, et cette lutte s’est compliquée d’un incident qui a produit une sensation fort vive tant dans la capitale de la Grèce qu’à Constantinople. Le sultan était représenté à Athènes par M. Mussurus, qui, dans ses rapports avec le gouvernement grec, mettait beaucoup de raideur et presque de la malveillance. M. Mussurus ne voulut pas délivrer un passeport pour Constantinople à M. Tzami Caratassos, aide-de-camp du roi de Grèce ; il se fondait, pour ce refus, sur des instructions générales dont, disait-il, il ne pouvait pas se départir. Le roi Othon ressentit profondément un pareil procédé, et, à un bal de la cour, il apostropha directement M. Mussurus en lui reprochant sa conduite. L’envoyé de la Porte se retira sur-le-champ, il rendit compte à son gouvernement de ce qui s’était passé, et en reçut l’ordre de quitter Athènes dans trois jours, si M. Coletti, président du conseil, ne se rendait pas lui-même chez l’envoyé du sultan, pour lui exprimer ses regrets. Cette réparation réclamée par la Porte parut excessive à M. Coletti, qui, tout en revendiquant la responsabilité constitutionnelle des paroles du roi, ne voulait pas humilier en sa propre personne le gouvernement de son pays. Cependant il fallait faire quelque chose, car on ne pouvait laisser un pareil incident s’envenimer et devenir une cause de rupture ouverte entre Athènes et Constantinople. C’est alors que le roi Othon eut l’idée d’écrire lui-même au sultan. Il fut confirmé dans cette pensée par M. Piscatory et par le ministre plénipotentiaire de Prusse, M. le baron de Werther. Dans cette circonstance, le corps diplomatique se montra plein d’intérêt et de sollicitude pour le roi Othon, placé dans une situation délicate. Le ministre de Russie lui-même, M. Persiani, dit tout haut que ce vieil empire ottoman ne pouvait pourtant pas exiger qu’on lui sacrifiât tout. Le seul représentant de l’Angleterre, sir Edmond Lyons, a persisté à donner complètement raison à M. Mussurus ; à l’entendre, c’est le gouvernement grec qui a tous les torts. Cet incident, qui a contristé tous les amis de la paix, est aux yeux de sir E. Lyons une bonne fortune ; il peut compliquer les embarras de la Grèce, ébranler le ministère de M. Coletti : c’est tout profit. Le renversement de M. Coletti n’a jamais été poursuivi avec plus de passion par lord Palmerston et son représentant. Dans le parlement anglais, on s’attend à des débats sur l’état de la Grèce ; la jeune monarchie du roi Othon ne peut pas plus compter que la monarchie de la reine Isabelle sur la bienveillance du gouvernement britannique. Cependant le gouvernement grec s’occupe de justifier de tout ce qu’il a fait pour remplir ses engagemens envers les trois puissances qui ont protégé son établissement, envers la Russie, l’Angleterre et la France ; ainsi il va communiquer aux trois cabinets les projets de loi relatifs à l’aliénation du domaine national. Lord Palmerston ne s’opiniâtrera pas moins à incriminer en plein parlement le ministère de M. Coletti, pendant que sir E. Lyons travaille à sa chute par ses intrigues. Déjà quelques organes de la presse anglaise annoncent qu’un mouvement décisif se prépare en Grèce. Qui peut le savoir mieux que l’Angleterre ?

La lettre que le roi de Grèce a adressée au sultan est pleine d’une dignité conciliante : le roi Othon n’hésite pas à déclarer qu’à ses yeux l’attitude et la conduite de M. Mussurus étaient contraires à la bonne intelligence des deux pays ; aussi ses reproches s’adressaient uniquement à celui qui oubliait le but élevé de son mandat, ’et le plus ardent désir du roi est de maintenir la bonne harmonie entre les deux couronnes, entre les deux peuples. Cette démarche