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sorte que, si de nouveaux malheurs venaient encore l’accabler, elle ne pût accuser l’Angleterre de l’y avoir précipitée.

Ce qui compliquait la situation, c’est que la cour de Vienne était partagée entre deux influences contraires. Il serait inexact de dire que la France y eût un parti ; aucun Autrichien ne pouvait voir avec satisfaction la prépondérance absolue du gouvernement français. Cependant, parmi les hommes d’état qui dirigeaient le cabinet impérial, les uns étaient plus préoccupés du danger de recommencer trop tôt la guerre contre le vainqueur d’Austerlitz et de provoquer ses redoutables vengeances, les autres du péril plus éloigné, mais certain, auquel on s’exposait en laissant accabler la Prusse et la Russie, seules barrières qui résistassent encore à l’omnipotence continentale de Napoléon. Les premiers, et l’archiduc Charles était du nombre, pensaient donc qu’il n’était pas temps encore de courir aux armes, qu’il fallait attendre des conjonctures plus propices ; les autres, dont le comte de Stadion, ministre des affaires étrangères, écoutait volontiers les inspirations, étaient d’avis que, si on laissait échapper le moment présent, il serait désormais trop tard pour une tentative d’affranchissement dans laquelle on ne trouverait plus d’auxiliaires. C’était l’homme de guerre qui conseillait la paix, au moins momentanément, et c’était le diplomate qui penchait pour la guerre. Ce contraste s’est rencontré plus souvent qu’on ne le pense. Tout ce qu’il prouve, c’est que chacun ne connaît bien que les difficultés et les périls de son propre métier.

Tels étaient les élémens délicats et compliqués sur lesquels sir Rohert Adair avait à agir. Sa position personnelle n’était d’ailleurs rien moins que facile. Fox, dont l’amitié eût été pour lui un soutien puissant, étant venu à mourir, le ministère whig ne tarda pas à succomber sous les répugnances de George III. Le retour des tories au pouvoir ne changea pas, il est vrai, les bases de la politique extérieure du cabinet de Londres ; mais sir Robert Adair avait été constamment dans les rangs de leurs adversaires, et, suivant l’usage anglais, on pensa aussitôt à lui donner un successeur. Ce successeur arriva même à Vienne. Des motifs particuliers qu’il serait superflu d’expliquer ne lui permirent pas de prendre possession de son poste, et sir Robert Adair y fut définitivement maintenu ; toutefois l’espèce de nécessité qui le constituait ainsi le représentant d’une administration dont il ne partageait pas les opinions ne lui garantissait que faiblement la confiance et l’appui bienveillant qu’il avait besoin d’attendre de son gouvernement. Déjà, d’ailleurs, les événemens de la guerre, en interceptant presque complètement, ou du moins en rendant très difficiles et très indirectes les voies de communication entre Londres et Vienne, lui avaient enlevé le secours et la force morale que de fréquentes instructions lui eussent apportés. Il en était réduit, ou à laisser échapper les occasions les plus opportunes,