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qu’elle suivait depuis dix années, entra en lutte contre la France, et la Russie, ayant échoué comme l’Angleterre dans ses tentatives de réconciliation avec Napoléon, fit marcher ses armées au secours des Prussiens. L’Angleterre et la Suède complétèrent, par leur accession, cette quatrième coalition contre la révolution française. Le concours de l’Autriche pouvait seul, sinon en assurer absolument le succès, au moins le rendre probable ; mais, réduite quelques mois auparavant par les désastres d’Ulm et d’Austerlitz à accepter les dures conditions de la paix de Presbourg et à laisser l’Allemagne aussi bien que l’Italie entière passer sous la domination de son vainqueur, l’Autriche ne s’était pas encore relevée d’un si rude coup. Pour qu’elle s’exposât de nouveau aux chances dangereuses qu’elle venait d’éloigner d’elle au prix de si grands sacrifices, il fallait qu’elle vît, dans une telle entreprise, des probabilités de réussite qui ne pouvaient résulter que de premiers avantages obtenus par les coalisés. Cependant, sans l’appui de la cour de Vienne, on ne pouvait guère espérer ces avantages. C’était un cercle vicieux.

Tel était le théâtre sur lequel l’habileté de sir Robert Adair allait avoir à s’exercer. Les instructions que Fox lui avait données étaient nécessairement d’un caractère très vague et très général. La situation était trop incertaine, trop indéterminée, pour qu’il fût possible, je ne dis pas de lui tracer sa marche, mais même de lui indiquer un but positif. Il lui était seulement recommandé d’épier et, le cas échéant, de saisir toutes les occasions qui se présenteraient de travailler au rétablissement de l’équilibre européen, en y faisant coopérer la cour de Vienne, dont la politique et les vues secrètes étaient, on le savait parfaitement, d’accord avec celles du gouvernement britannique, à quelques ménagemens qu’elle pût se trouver réduite par la nécessité. Bientôt, lorsque les négociations entamées entre la France et l’Angleterre furent rompues, lorsque la guerre eut recommencé sur le continent, la tâche assignée à sir Robert Adair devint plus précise : il dut s’efforcer d’amener l’Autriche dans la coalition. Cependant ce n’était pas sans beaucoup de circonspection qu’il lui était prescrit de la pousser dans cette voie : le cabinet de Londres n’eût pas voulu exciter à un acte imprudent une puissance dont la conservation lui importait si essentiellement, et dont la ruine complète n’eût laissé en quelque sorte aucun espoir de rétablir un jour l’indépendance européenne. Il fallait donc que l’Autriche n’entrât dans la lutte que si elle se sentait en mesure d’y apporter un poids décisif ; il fallait qu’en se joignant aux ennemis de la France, elle cédât, non pas à l’entraînement, à l’obsession des autres cabinets, non pas à l’appât d’un de ces subsides par lesquels les whigs avaient tant reproché au ministère de Pitt d’entretenir en Europe le feu de la guerre, mais à sa confiance dans ses propres ressources et à sa conviction de l’utilité, de la nécessité d’une telle détermination, en