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Cette loi non-seulement consacre tous les principes d’une démocratie sans bornes et sans correctif, mais encore, rétrogradant vers les institutions du moyen-âge, remet à une assemblée unique, composée de tous les citoyens réunis sur la place publique, le choix des principaux magistrats, c’est-à-dire qu’elle substitue au libre vote et à la délibération raisonnable le tumulte, la violence et la confusion. On n’en resta pas là. Dès le 25 janvier 1847, des mesures arbitraires ont été décrétées par l’assemblée ; on a prononcé, bien qu’en termes vagues et embarrassés, certaines confiscations pour des causes politiques. Tous les hommes clairvoyans, sans distinction de partis, se sont accordés à blâmer des tentatives qui, nous l’espérons, demeureront long-temps sans imitateurs en Suisse.

De toutes les institutions qui soutenaient et décoraient l’ancienne nationalité genevoise, et lui donnaient une raison honorable de subsister au milieu des grands états qui l’environnent, la seule qui fût encore intacte, à savoir l’organisation financière et scholastique de l’église, se trouve condamnée par le nouveau projet ; les biens appartenant à la Société économique (c’est le nom de cette administration), et sur lesquels le régime français n’a jamais porté la main, doivent être en presque totalité détournés de leur antique destination. Ce dernier point a pourtant rencontré une opposition raisonnée parmi les promoteurs mêmes de l’ordre actuel, et peut-être l’hostilité trop évidente que les chefs de cette révolution récente, aussi bien que de celle de Vaud, professent contre tout exercice sérieux du christianisme finira par déterminer une réaction dans les classes populaires[1]. Pour le moment toutefois, la voix du canton de Genève (tel est l’engagement formel que le parti victorieux a pris envers lui-même et envers ses alliés) se trouve acquise à l’avis le plus énergique que, dans la diète prochaine, on ouvrira contre le Sonderbund.

Toutes les tentatives employées pour amener le gouvernement de Saint-Gall à décréter des mesures analogues ont échoué jusqu’ici, et l’on a même quelques motifs pour penser que les opérations prochaines des collèges électoraux fixeront dans des voies modérées le grand conseil de cet état ; mais, dans la ville de Bâle, il devint évident, aussitôt

  1. C’est principalement sur ce point que porte l’antagonisme, maintenant public, de M. James Fazy et d’un membre influent du conseil représentatif, M. Fazy Pasteur. Ce dernier soutient la cause de la vieille bourgeoisie, fidèle aux traditions de l’église réformée ; l’autre, exercé en France aux luttes de la presse quotidienne, et l’esprit toujours tourné vers des modèles étrangers, vouant d’ailleurs, bien qu’avec des formes polies, une égale aversion aux précédens ecclésiastiques et administratifs de son pays, combat et poursuit sans relâche, dans le corps des pasteurs et dans la Société économique, l’unique élément possible d’une reconstitution de l’ancienne Genève.