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de guerre civile. Aussi, le 13 janvier 1841, à une majorité énorme (dans laquelle entrèrent par conséquent la plupart des députés catholiques), le grand conseil décréta le principe de la dissolution de tous les couvens. Leurs biens, après qu’on aurait mis de côté ce qui était nécessaire pour l’exercice du culte catholique dans les paroisses où ils étaient situés, devaient être appliqués aux besoins généraux du trésor. Les établissemens frappés par cette mesure avaient négligé de se rendre, dans l’Argovie catholique, réellement populaires en se rendant véritablement utiles. La suppression de ces couvens ne provoqua pas sur les lieux de résistances ouvertes ; mais cette infraction à une stipulation formelle du pacte fédéral devait agiter la Suisse entière et y donner le signal des luttes générales dont les élémens s’accumulaient de longue main.

La diète fut saisie des réclamations élevées, au nom des couvens supprimés, par plusieurs députés catholiques. Toutefois, ce ne fut pas uniquement d’après les communions respectives que les votes se répartirent dans cette affaire. Soleure et Tessin ; dominés par l’esprit radical, repoussèrent les plaintes de leurs coreligionnaires ; le Valais ne les accueillit pas davantage. Au contraire, Bâle-Ville et Neufchâtel, dévoués au principe conservateur, plaidèrent la cause de ces établissemens, frappés par une proscription populaire sans avoir été régulièrement défendus. Genève et Vaud firent prévaloir un terme moyen, qui consistait à autoriser la suppression des couvens d’hommes en rendant l’existence aux couvens de femmes. Cette satisfaction bien incomplète ne fut acceptée qu’à grand regret par le gouvernement d’Argovie, dont le représentant avait déclaré que ses commettans, plutôt que de rétablir Wettingen et Muri, laisseraient une exécution militaire se décréter contre eux, si la diète osait en prendre la responsabilité.

Le rôle conciliateur que Genève avait joué dans cette rencontre désigna le gouvernement de cette ville à l’animosité implacable des meneurs du parti démagogique. Décidés à l’abattre, ils le dénoncèrent aux préventions du vulgaire comme entaché de tendances rétrogrades, dominé par des influences patriciennes et secrètement lié d’intérêts avec la faction ultramontaine. Une émeute éclata sans retard. Mollement défendue par les milices de la campagne, assaillie à l’improviste par les artisans de la ville et voulant d’ailleurs éviter à tout prix l’effusion du sang, cette administration probe, éclairée, dévouée au bien public, et plus capable de servir une telle cause qu’aucun autre centre de pouvoir en Suisse, abdiqua le 22 novembre 1841. Une assemblée constituante fut convoquée pour rédiger une législation nouvelle, dont les bases devinrent entièrement démocratiques. Le droit de suffrage fut étendu à tous les citoyens majeurs qui n’étaient pas sur la liste des indigens, et des collèges électoraux furent établis à la proximité de toutes