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aigreur qui donna bientôt l’éveil à la susceptibilité nationale ; des paroles amères furent échangées, et l’on pouvait craindre une rupture avec la confédération quand le prince Louis, inspiré cette fois par le vrai sentiment de son devoir, prit le parti de se bannir lui-même et d’aller porter ailleurs la fatalité qui s’attachait à ses pas.

Cet incident passa vite ; mais il en resta cette leçon durable, qu’il y avait désormais incompatibilité formelle entre l’influence régulière de la monarchie française, restée favorable au développement modéré des institutions démocratiques en Suisse, et les tendances effrénées de la démagogie dont les cantons devenaient le réceptacle plutôt qu’ils n’en étaient le berceau. Au surplus, les dissensions religieuses avaient pris sur ce théâtre mobile la place la plus considérable comme la plus apparente. Elles éclatèrent d’abord dans une vallée séquestrée des Alpes suréniennes, sur le champ glorieux de Noefels. La constitution du canton de Glaris accordait aux catholiques des droits politiques déterminés, et, par exemple, une part dans la composition du petit conseil tout-à-fait disproportionnée avec la force numérique de leur communion. C’était sous l’influence de la médiation française, au milieu du règne tout-puissant de Louis XIV, que cette transaction avait été conclue ; les termes en étaient calculés, afin d’assurer à la minorité, toujours menacée dans les états libres par la souveraineté du nombre, ces sortes de sécurités additionnelles dont elle a besoin pour ne point déchoir ; mais la majorité protestante, lassée d’un partage qui lui était désavantageux, réclama l’égalité parfaite des droits politiques, et l’imposa de vive force aux catholiques pendant le mois de juillet 1837.

A Zurich, sur une scène plus vaste, le parti démagogique, qu’une révision nivelle de la constitution avait, en juin 1837, substitué dans l’exercice du pouvoir aux démocrates modérés, voulut abattre l’autorité rivale du clergé calviniste en sapant la base même des croyances publiques, et le docteur Strauss fut appelé, par un décret long-temps débattu, à la chaire de théologie dans l’université de Zwingli. Cet acte imprudent réveilla dans les populations rurales du canton de Zurich ce que l’ancienne nationalité y avait implanté de sentimens vivaces et résolus ; on prit les armes contre les magistrats qui méconnaissaient à ce point les convictions de la multitude dont ils se disaient les mandataires. Le gouvernement fut renversé d’un seul coup ; mais, sans altérer la constitution, dont ils aimaient les bases démocratiques, les vainqueurs, qui n’avaient commis aucun genre d’excès, se bornèrent à confier les charges à des hommes modérés dont les sentimens chrétiens étaient connus. Les citoyens les plus éclairés comme les plus intègres de la Suisse orientale, mis en évidence par cette révolution, entrèrent dans la combinaison dont elle venait d’assurer le succès.

C’était en 1839 : le Valais passait alors par une série de crises sanglantes