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recourir à l’intervention de troupes étrangères ; seulement des milices suisses, levées à la réquisition de la diète dans les cantons limitrophes, vinrent prêter main-forte aux pouvoirs constitués. Une guerre civile plus sérieuse et plus affligeante éclatait alors dans le canton de Bâle, et semblait à la veille d’embraser aussi les vallées jusqu’alors paisibles de Schwytz. Dans le canton de Bâle, les campagnards revendiquèrent, les armes à la main, l’égalité des droits politiques ; les citoyens de la ville voulaient le maintien absolu de leur régime municipal. En présence de prétentions si opposées et toutes deux poussées à l’excès, une séparation politique des deux territoires semblait devenir nécessaire. Prononcée par la diète en 1832, cette séparation ne s’effectua qu’après que l’issue d’un combat sanglant, livré en août 1833, eut enlevé aux citadins tout espoir de rétablir par la force le système auquel ils étaient attachés. Bâle ne conserva qu’une étroite banlieue. Le reste de l’ancien état forma le demi-canton de Bâle-Campagne, dont Liestall devint le chef-lieu, et qui, s’abandonnant sans mesure aux impulsions démagogiques, fut bientôt un sujet d’inquiétudes pour les territoires avoisinans. La voix appartenant, en diète, à l’ancien canton se trouva dès-lors annulée par l’opposition inévitable des plénipotentiaires qui en avaient chacun une moitié, et les conséquences fâcheuses que cette mutilation entraîna dans les conseils suprêmes de la Suisse firent prendre au reste des états la résolution de ne plus décréter à l’avenir de semblables dédoublemens. Aussi la diète imposa-t-elle, par une intervention militaire, la paix aux factions qui se combattaient dans le canton de Schwytz. Les anciens districts avaient, en 1814, ressaisi des privilèges qui leur donnaient, sur les districts extérieurs ou nouveaux[1], une véritable suprématie politique. Ceux-ci redemandaient l’égalité absolue. Ils finirent par l’obtenir dans la constitution réformée du 13 octobre 1833.

Le principe aristocratique avait disparu de toutes les constitutions écrites de la Suisse. Il s’effaçait même complètement dans les cantons qu’aucune révolution violente n’avait encore atteints. Les derniers droits seigneuriaux étaient abolis dans la principauté de Neufchâtel. Dans les Grisons, les paysans s’accoutumaient à pourvoir aux emplois sans recourir aux grandes familles qui en avaient la possession séculaire. Aucun membre de l’ancienne noblesse ne siégeait dans les conseils de Vaud. A Genève, des noms nouveaux étaient, dans les carrières publiques, accueillis avec une faveur très marquée. Cependant les intérêts crées ou réveillés par la révolution de 1830 étaient bien loin de se tenir pour satisfaits. Les plébéiens ambitieux, que le nouvel esprit appelait aux affaires dans les grands cantons, trouvaient leur rôle trop étroit et

  1. March, Küssnacht, Wollrau, Einsiedeln. Le vieux territoire comprend Schwytz, Brunnen, Yberg, Arth et Steinen.