la Russie réunies ; la nonciature apostolique et le représentant de la cour de Sardaigne penchaient ouvertement de ce dernier côté. Mais l’action de la Prusse était affaiblie par son indécision, et bientôt d’irrésistibles auxiliaires vinrent en aide à la politique française. Des révolutions cantonales, déterminées par l’enthousiasme et par les espérances du parti démocratique, éclatèrent en douze endroits différens.
L’ Argovie prit l’initiative des changemens. Dès le 6 décembre 1830, une émeute de campagnards renversa, sans effusion de sang, le gouvernement qui s’efforçait, d’une main timide, de conserver une sorte d’équilibre entre les partis. Une assemblée constituante fut convoquée, avec la mission expresse d’étendre, le plus qu’il serait possible, le droit de suffrage, et de proportionner uniquement au chiffre de la population la représentation de chaque district.
Ce n’était là qu’une réforme : de véritables révolutions s’accomplirent dans le courant de 1831, et, pour la plupart[1], pendant les six premiers mois de cette année, à Berne, Zurich, Soleure, Fribourg et Lucerne ; des changemens très essentiels furent introduits en même temps dans les constitutions cantonales de Vaud, Schaffouse, Saint-Gall et Thurgovie. Ces substitutions d’un gouvernement à l’autre s’effectuèrent, sur tant de points distincts, avec une sorte d’uniformité. Le peuple prenait les armes dans quelques districts éloignés du chef-lieu ; on organisait dans les petites villes, travaillées de longue date par des jalousies implacables contre les capitales, quelques corps expéditionnaires qui observaient dans leur marche une discipline toute militaire ; les pouvoirs constitués, abattus par l’inimitié des paysans, par l’apathie des bourgeois, par le découragement, précurseur de presque toutes les défaites, se démettaient pour épargner au pays l’effusion du sang ; des administrations provisoires s’installaient aussitôt, et, comme instructions générales aux nouveaux législateurs, la multitude prescrivait l’abolition complète des privilèges de naissance et des avantages de localité, garantis, tant par l’ancienne loi que par un long usage, aux corps des patriciats et aux bourgeois des villes jadis souveraines.
Pendant qu’une agitation, promptement apaisée du moins dans l’ordre matériel, parcourait les anciens cantons de la Suisse, le gouvernement de Genève croyait suffisantes, pour détourner l’orage, quelques concessions qu’il fit à la fin de 1830, et qui consistaient principalement dans l’abaissement du cens électoral. Une insurrection contre l’administration monarchique éclatait, en 1831, dans les montagnes de Neufchâtel ; mais la bourgeoisie du chef-lieu la comprima facilement, sans
- ↑ Voici dans quel ordre se succédèrent, en 1831, les révolutions cantonales : celle de Soleure eut lieu le 11 janvier, celle de Fribourg le 24, celle de Zurich le 20 mars, celle de Saint-Gall peu de jours après, celle de Thurgovie le 26 avril, celles de Vaud, Berne et Schaffouse en juin, celle de Lucerne avant la fin de l’année.