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alliées ne s’arrêtèrent point à la déclaration de neutralité que la diète, réunie à Zurich, avait essayé d’opposer à leur marche à travers le territoire helvétique ; mais, en y pénétrant, leurs chefs protestèrent qu’ils voulaient n’y paraître qu’en libérateurs. Les événemens qui se passèrent alors furent la contre-partie assez exacte de ceux qui, sous l’influence de la révolution française, s’étaient accomplis en Suisse quinze ans auparavant. Des réactions politiques plus ou moins violentes éclatèrent dans les anciens centres des pouvoirs aristocratiques, ou même des pouvoirs municipaux vigoureusement constitués. Genève ressaisit son indépendance ; Berne revendiqua la totalité de ses anciennes possessions. Sous la protection des armées alliées, la diète annula, le 29 décembre 1813, l’acte de médiation et posa les bases d’une alliance fondée sur des principes différens. C’était au congrès des ministres de toutes les puissances réunis d’abord à Paris et ensuite à Vienne que la Suisse devait désormais s’adresser, et pour faire régler ses nouvelles limites territoriales, et pour faire admettre dans le droit général de l’Europe la constitution qu’elle parviendrait à se donner.

Le premier point se trouva réglé par l’acte final du traité de Vienne et par un accord subséquent avec la cour de Sardaigne (3 et 9 juin 1815). La Suisse perdait la Valteline, qui fut concédée à la monarchie autrichienne, mais elle regagnait le Valais ; elle acquérait en outre Genève et reprenait l’évêché de Bâle avec la principauté de Neufchâtel ; celle-ci, rendue à la maison royale de Prusse, qui en avait la souveraineté depuis 1707[1], n’en devait pas moins former un canton, le vingt-unième de l’alliance, laquelle en comprit en tout vingt-deux. Quelques fractions du pays de Gex et de la Savoie agrandissaient la banlieue de Genève et mettaient ce nouveau canton en communication directe avec l’ancien territoire suisse.

Pour sa reconstitution intérieure, ce pays, dépourvu de centre politique et agité en sens opposés par des passions anciennes et nouvelles, par des intérêts inconciliables, attendait aussi du dehors une direction déterminée : les cabinets alliés, qui venaient de pacifier l’Europe, remplirent ce rôle auprès de la confédération. L’empereur de Russie interposa ses bons offices pour conserver une existence indépendante au pays de Vaud, patrie du général Laharpe, guide de sa première jeunesse. Le maintien du canton de Vaud emportait celui du canton d’Argovie, et en général l’influence d’Alexandre s’employa pour empêcher la restauration des sénats aristocratiques dans l’exercice de leurs anciens pouvoirs sur les pays sujets. Il ne fut sérieusement question du rétablissement

  1. Comme héritage de la maison de Longueville, qui le tenait elle-même des comtes de Hochberg. Les bourgeois de Neufchâtel décidèrent seuls entre les différens prétendans, et s’assurèrent que celui auquel ils donneraient la préférence confirmerait leurs privilèges dans toute l’étendue de l’interprétation la plus favorable.