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qui avait suivi la chute de l’ancien régime aboli en 1798 se trouvait ainsi close au bout de six ans, et l’organisation présente de la Suisse a, dans l’acte de médiation, ses racines les plus saines, si elles ne sont pas les plus profondes.

Par suite de cet acte et du pacte dont il devint la base, la république suisse fut une confédération de dix-neuf cantons. La constitution de tous restait démocratique ; dans les petits cantons[1] le principe du suffrage universel et de l’intervention directe du peuple dans les affaires législatives se trouvait maintenu ; mais, dans les cantons jadis aristocratiques ou tempérés[2], l’exercice des droits politiques était subordonné à la possession d’un certain revenu, et les affaires de l’état se traitaient par des conseils souverains, représentant les assemblées primaires qui les avaient choisis. Dans la diète annuelle, les cantons peuplés de plus de cent mille ames[3] avaient chacun deux voix, les autres seulement une. La direction supérieure des affaires communes à toute la confédération appartenait par rotation, et chaque fois pour un an, aux magistrats des cantons de Fribourg, Berne, Soleure, Bâle, Zurich et Lucerne ; la diète s’assemblait dans le chef-lieu du Vorort, c’est-à-dire du canton directeur. Chaque état se donna librement la constitution qu’il voulut, pourvu qu’elle fût compatible avec les principes généraux que nous venons d’énoncer. Une satisfaction universelle accueillit ce règlement des affaires long-temps presque désespérées de la Suisse : elle ne fut troublée que par le démembrement du Valais, qui ne tarda guère à devenir un département de l’empire français. Quant à la Valteline, Napoléon en conserva la possession au corps helvétique et voulut qu’elle formât une quatrième ligue de l’état des Grisons.

Si la médiation française avait été pour la Suisse un bienfait inestimable, le protectorat français imposait au pays de lourdes charges et le privait de cette dignité que l’indépendance politique peut seule conférer. Les revers de l’empire rendirent cette situation plus sensible et plus douloureuse ; les principes comprimés par les événemens qui avaient abouti à l’acte de médiation se réveillèrent en 1813 avec une énergie qu’on eût pu croire depuis long-temps éteinte. Les régimens suisses qu’aux termes des nouvelles capitulations les cantons fournissaient à l’armée française avaient été presque anéantis par les désastres de 1812 ; renouvelés aussitôt, mais encore décimés par la campagne de 1813, ils ne se sentaient plus pour les aigles de Napoléon ni l’ancienne confiance, ni l’ancienne affection. Les armées des puissances

  1. Schwytz, Uri, Unterwalden, Zug, Glaris, Appenzell.
  2. Berne, Zurich, Bâle, Schaffouse, Lucerne, Argovie, Thurgovie, Saint-Gall, Vaud, Tessin, Grisons, Soleure, Fribourg.
  3. Il y en avait alors sept, à savoir ; Berne, Zurich, Lucerne, Argovie, Saint-Gall, Vaud, Grisons.