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consulat et de l’empire, et, sur ce terrain, la tâche de l’apologiste de Fox est plus facile. Fox, en effet, avait pu se laisser séduire par l’image et le nom de la liberté alors même qu’ils servaient de voile aux excès de l’anarchie et à des crimes qu’il flétrissait de tous les stigmates de son éloquence ; mais le despotisme, sous aucune forme, sous aucun prétexte, ne pouvait obtenir ses sympathies. Il avait pu oublier par momens, en faveur d’un peuple défendant contre des rois absolus son indépendance et le droit de modifier ses institutions, que l’Angleterre était l’alliée de ces rois ; mais le jour où ce peuple, s’élançant loin de ses frontières, prétendait à son tour dicter la loi aux autres nations, détruire leur autonomie et dominer le continent, les mêmes sentimens qui naguère inspiraient en sa faveur l’éloquence généreuse de Fox ne pouvaient manquer de jeter dans les rangs opposés le champion constant des faibles et des opprimés, l’athlète infatigable, ardent, passionné, de toutes les causes qui s’offraient à lui avec l’apparence de l’équité et de la justice. Il suffirait, pour se rendre compte du changement apporté aux dispositions de Fox envers la France par l’établissement du régime napoléonien, de lire attentivement le discours qu’il prononça dans la chambre des communes après la rupture du traité d’Amiens. Tout en blâmant le cabinet anglais d’avoir recommencé la guerre, Fox lui reproche de ne s’être pas opposé, dès le principe, avec assez d’énergie, aux empiétemens continuels du premier consul, à ses attentats contre les droits des nations, et d’avoir ainsi encouragé en lui l’ambition effrénée qu’on s’efforçait trop tard de réprimer au prix de la paix du monde.

Ce discours est postérieur de quelques mois seulement au seul voyage que Fox ait fait en France depuis la révolution de 1789. On a néanmoins prétendu que, pendant ce voyage, des relations intimes s’étaient établies entre Napoléon et lui, et que l’homme d’état anglais avait subi l’influence du dominateur de la France. Cette influence aurait été, en tout cas, de bien courte durée ; mais sir Robert Adair nie positivement qu’elle ait jamais existé, bien qu’il ne conteste pas l’admiration que les immenses talens du premier consul inspiraient à Fox, dont l’ame élevée était incapable de méconnaître, même dans un ennemi, des facultés aussi extraordinaires. Il affirme que la prétendue intimité de Fox avec Napoléon pendant son séjour à Paris est une pure invention, que les rapports qu’ils eurent ensemble furent aussi rares qu’insignifians, et il entre à ce sujet dans des détails qu’on ne pourrait taxer d’inexactitude sans inculper sa bonne foi, puisqu’il était venu lui-même en France en même temps que son ami, et qu’il ne le quitta pas pendant le temps, assez court d’ailleurs, qu’il y passa. Il n’a pas voulu, au surplus, s’en rapporter uniquement à ses souvenirs personnels sur des circonstances assez graves cependant pour qu’elles eussent pu difficilement s’effacer