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et devenus, au VIIIe siècle, plus régulièrement vassaux de leur couronne, les Allemands durent aux travaux apostoliques de saint Gall, de saint Fridolin et d’autres missionnaires venus de la Gaule et des îles britanniques, leur admission dans la grande famille des chrétiens d’Occident. A partir de cette époque, il n’y eut plus qu’une religion dans les contrées helvétiques ; mais la différence fondamentale des races demeura marquée par la séparation des langages. Les Bourguignons s’étaient de bonne heure assimilés, au moins extérieurement, aux Romains. Aussi, dans les portions de la Suisse actuelle qui appartenaient aux royaumes de Châlons et de Genève, la forme septentrionale de l’idiome roman[1] ne cessa point d’être en usage ; un autre dialecte néo-latin persista dans les districts qui obéissaient aux Lombards, et un troisième parvint à garder, quoique sous le joug immédiat des Allemands, le terrain qu’il occupait autour des sources de l’Inn et du Rhin. Quant aux descendans des conquérans germains, ils ont conservé jusqu’à nos jours l’usage de cette forme curieuse et mélangée[2] de l’idiome teuton, dont les premières règles furent tracées, dans les solitudes de la Thurgovie, par les disciples de saint Gall, dont les Minnesinger, à la cour des généreux Hohenstauffen, portèrent la culture à un degré remarquable de vigueur et d’élégance, et dont la grande épopée des Nibelungen a fixé le type poétique. Seulement cette forme, tombée au rang de dialecte provincial, malgré les efforts heureux de quelques écrivains modernes, a été remplacée par l’allemand classique, comme instrument de l’éducation et comme organe des lois.

Après le partage de l’empire de Charlemagne (en 843), les régions helvétiques se trouvèrent assignées, les unes au royaume de la Bourgogne transjurane, les autres au duché d’Alarnannie[3]. L’extinction de la nouvelle maison de Bourgogne fit tomber l’Helvétie occidentale sous la suzeraineté des empereurs de la dynastie franconienne, qui réussirent, pendant quelque temps, à effectuer l’union, sinon cordiale, du moins régulière, entre l’Allemagne et l’Italie. Le gouvernement héréditaire du nouveau duché de la Bourgogne mineure (nom que prirent les contrées situées entre le Jura et la Reuss, le Rhin et le lac Léman) échut à la branche aînée des puissans seigneurs de Zoehringen. Lorsque, frappée à son tour par la destinée qui, dans ces âges d’efforts sans relâche et de guerres sans pitié, s’attachait aux grandes familles militaires, la lignée des Berthold eut cessé d’exister, l’Helvétie et ses dépendances

  1. Celle qui a servi de base au français actuel.
  2. L’alemannique, Hoch-Deutsch.
  3. Une ligne tracée des sources du Rhône à la rive méridionale de l’Aar, un peu au-dessous de l’emplacement actuel de Berne, formait la démarcation entre les deux souverainetés.