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troublée et vacillante des Sforza. Les habitans, tous catholiques, parlent une variété du dialecte milanais ; c’est du royaume lombard-vénitien qu’ils tirent le grain et le sel nécessaires à leur consommation. Cinq vallées, découpées sur le revers méridional des Alpes rhétiques, appartiennent au canton des Grisons ; ce canton se partage en trois ligues (Bündten). Chacune d’elles s’administre à part. Le reste de la Suisse italienne comprend le canton du Tessin : cent vingt mille habitans tout au plus peuplent cette Lombardie républicaine. Quant aux Grisons, le caractère roman[1] demeure également reconnaissable chez les pâtres et les laboureurs qui occupent les vallées de la Haute-Rhétie, divisées entre la ligue Grise et celle de la Maison-Dieu ; cependant un élément germanique prédomine même dans cette portion du canton des Grisons, et la ligue des Dix-Droitures est entièrement allemande. C’est autour des sources du Rhin et dans la haute vallée de l’Inn[2] que s’étend le domaine de ces républiques annexées depuis peu de temps au corps helvétique, et dans lesquelles survit un esprit bien prononcé d’originalité. C’est par elles que la Suisse se trouve limitrophe du Tyrol. La Valteline, jadis leur sujette, quoique renfermant une population supérieure en nombre, couvre maintenant la frontière italienne des états impériaux, qu’elle menaçait jadis et dont elle interceptait les communications naturelles avec le cercle d’Autriche. Le canton des Grisons est cependant encore le plus vaste de la Suisse, mais c’est en même temps celui où la population est le plus disséminée[3] : ses quatre-vingt-cinq mille habitans forment une transition entre l’élément romain et l’élément purement teutonique, auquel appartiennent tous les cantons dont il nous reste à parler.

La Suisse allemande, beaucoup plus vaste et plus peuplée que les deux autres réunies, berceau de la confédération, siège primitif et principal de ses institutions fondamentales, contient quinze cantons entiers et des portions essentielles de trois autres. Quinze cent quarante mille personnes, dans l’enceinte de la confédération, parlent le dialecte alemannique, dont la forme cultivée, langue de l’administration et des lois, établit une solidarité intellectuelle entre la Suisse et les états germaniques. Une petite fraction de la Suisse teutonique appartient au

  1. Le langage des aborigènes de la Haute-Rhétie présente deux dialectes distincts, dont les noms indiquent suffisamment le caractère : l’un s’appelle ladin, et l’autre romaunzch.
  2. L’Engadine.
  3. Il existe sous ce rapport des différences très remarquables entre les cantons de la Suisse. Le maximum de densité se trouve dans les cantons de Zurich et d’Appenzell, où vivent 7,300 ames sur chaque mille géographique carré ; les Grisons n’en ont, sur une surface égale, que 640 ; le Valais que 815, Uri que 870. Nous ne faisons point entrer en comparaison les cantons de Genève et de Bâle, où la population urbaine dépasse celle des campagnes, et qui nécessairement font exception.