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et les côtes de son fils, puis le frotta vivement avec une hâte convulsive.

Et, pendant qu’elle le frottait et l’oignait ainsi, elle murmurait en nasillant un chant de nourrice, et les flammes du foyer pétillaient étrangement.

Pâle et osseux comme un cadavre, le fils gisait sur le giron de sa mère, ses grands yeux éteints, fixes, grands ouverts et tristes comme un trépassé.

Est-ce donc véritablement un mort à qui l’amour d’une mère communique chaque nuit une vie factice au moyen des baumes magiques ?

Que le demi-sommeil de la fièvre est étrange ! Les membres fatigués, lourds comme du plomb, sont comme enchaînés, et les sens surexcités sont d’une lucidité terrible.

Comme l’odeur des herbes me tourmentait dans cette chambre ! je cherchais douloureusement où j’avais déjà senti la même odeur, et je le cherchais en vain.

Comme le vent dans la cheminée me faisait souffrir ! on eût dit les gémissemens de pauvres ames en peine. Il me semblait que je reconnaissais les voix.

Mais ma plus grande torture venait des oiseaux empaillés rangés sur une planche au-dessus du chevet de ma couche.

Ils agitaient lentement à faire frémir leurs froides ailes, se penchaient jusque sur moi avec de longs becs en forme de nez humains.

Où ai-je donc vu déjà de pareils nez ? Est-ce à Hambourg ou à Francfort dans le quartier des Juifs ? Souvenirs vagues et pleins d’horreur !

Enfin le sommeil s’empara tout-à-fait de moi, et à la place de ces visions bâtardes et grimaçantes (la réalité assaisonnée de cauchemar !),

J’eus un rêve bien net, sur un fond et une base solides, avec des contours franchement accusés, vivant et plastique comme le sont tous mes rêves.

Au lieu d’être dans l’étroite cabane de la sorcière, je me trouvais dans une salle de bal soutenue par des colonnes et éclairée de mille girandoles de lumière.

Des musiciens invisibles jouaient la voluptueuse danse des nonnes de Robert-le-Diable. J’étais seul à me promener dans la salle.

Enfin les portes s’ouvrent à deux battans, et voilà qu’arrivent lentement, d’un pas solennel, les hôtes les plus étranges qu’on puisse voir !

Rien que des ours et des spectres ! Debout sur leurs pattes de derrière, chaque ours conduit un spectre masqué et enveloppé d’un blanc linceul.

Ainsi appariés, ils se mettent à valser autour de la salle. Curieux coup d’œil à faire rire ou trembler !

Car les ours, avec leur agilité proverbiale, avaient grand’ peine à