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connaissaient tous les changeurs et tous les commerçans du monde. En 1786, un nouvel abaissement de titre eut lieu sur l’or, et les quadruples n’eurent plus que 21 karats ou 875 millièmes de fin. Les républiques de l’Amérique espagnole, c’est une justice à leur rendre, ont maintenu le titre qu’elles avaient trouvé de 903 pour l’argent et de 875 pour l’or. C’est par exception et le plus souvent par l’effet de l’ignorance que dans des momens de trouble elles ont émis des monnaies d’un plus bas titre. Aussi aujourd’hui encore, de toutes les monnaies d’argent, la piastre est-elle la seule qui soit universelle. C’est en piastres qu’on règle dans les comptoirs de l’Inde ou de la Chine ; c’est la piastre qu’on rencontre en Algérie et que préfèrent l’Arabe et le Kabyle. Le dollar des États-Unis n’est que la piastre espagnole. Les sultans turcs avaient adopté la piastre[1]. Cependant la pièce de 5 francs, dont on a frappé une très grande quantité et qui est correcte de poids et de titre, commence à se répandre sur le marché général.

Il ne faut cependant pas s’abuser sur la proportion habituelle d’argent qu’on rencontre dans un poids déterminé de minerai mexicain. L’opinion, accréditée en Europe, qu’on heurte du pied des masses d’argent natif au Mexique et au Pérou, comme dans l’Eldorado, est dénuée de fondement. Certaines mines du vieux continent[2] ont offert des blocs d’argent natif aussi beaux que tout ce que le nouveau pourrait en citer, et, à part quelques recoins privilégiés et bénis des mineurs, les minerais autres que l’argent natif ne se présentent point non plus, au Mexique et au Pérou, en masses compactes. Les minerais maigres de la Saxe et de la Hongrie sont moins pauvres que la moyenne des minerais mexicains ou péruviens, la différence est souvent de plus de moitié ; mais, par la puissance de leurs filons, les mines mexicaines ou péruviennes ont une supériorité extraordinaire. En Saxe, ce sont des veines de deux à trois décimètres qui s’étranglent fréquemment. Au Mexique, les filons acquièrent de si énormes épaisseurs, qu’il faut les mesurer quelquefois par dizaines de mètres. Ainsi un filon qui, dans la majeure partie de sa puissance, renferme l’argent sulfuré en parcelles presque imperceptibles, peut fournir dans un mois la moitié de l’argent que donnent dans l’espace d’une année toutes les mines de la Saxe. Il résulte d’un parallèle entre la célèbre mine du Himmel-Fürst, située près de Freiberg en Saxe, et la mine mexicaine de la Valenciana, telle qu’elle était en 1803, que la première étant riche à 6 ou 7 onces par quintal (3 millièmes 8/10 ou 4 millièmes 4/10) la seconde ne l’était

  1. Ils l’ont réduite à moins du 20e de sa valeur à force d’alliage.
  2. Celles de Kongsberg ou Norwége, de Schneeberg en Saxe, celles de Sainte-Marie-aux-Mines en France, abandonnées pourtant, mais peut-être à tort, ont donné des masses d’argent natif du poids de 30 kilog., qu’on chercherait vainement dans les mines les plus riches du Nouveau-Monde.