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mineur français Laborde est un des exemples de ces vicissitudes. Cet homme entreprenant et hardi, arrive pauvre au Mexique, était devenu fort riche en exploitant une mine à Tlapajahua. Il passa de là aux mines de Tasco, auxquelles il imprima son activité extraordinaire, et il en retira de nouveaux profits. C’était de 1752 à 1760. Dans son opulence fastueuse, il bâtit à Tasco une église paroissiale qui lui coûta 2 millions et qu’il orna magnifiquement ; mais, les mines s’étant appauvries, il s’y acharna et perdit tout. Réduit à la dernière misère, il alla alors trouver l’archevêque et lui demanda la permission de reprendre un soleil d’or enrichi de diamans dont il avait orné le tabernacle de son église. Le prélat eut le bon esprit d’y acquiescer. Avec les 100,000 piastres qu’il en fit, Laborde résolut de courir la chance ailleurs. Il se transporta à Zacatecas, où les mines, après avoir été fort productives, avaient été presque abandonnées. Il entreprit l’épuisement des eaux d’une fameuse mine inondée, celle de la Quebradilla, et y consuma sans succès presque tout ce qu’il possédait. Quand il ne lui resta plus que quelques milliers de piastres, il risqua un puits sur l’affleurement d’un filon inconnu, et il eut le bonheur incroyable que ce fût la Veta Grande, qui est aujourd’hui encore le filon principal de Zacatecas. Doublement privilégié, il tomba précisément sur un de ces points où les veines offrent des trésors, et que le Mexicain nomme bonanzas, et le Péruvien boyas ; il y gagna une fois de plus des richesses immenses. Il ne laissa cependant à sa mort que 3 millions de francs, ce qui, dès cette époque, était médiocre pour un mineur favorisé du sort.

Mais, si les individus ont souvent été déçus dans leurs espérances, et si bien souvent les fortunes sorties des mines sont revenues s’y engloutir, le pays a gagné à cette ardeur métallurgique. Il en a retiré les beaux salaires dont jouit encore une grande population de mineurs, le quint du roi, actuellement dévolu à la république, et qui est considérable, les profits des industries accessoires, particulièrement de celle des transports, qui occupe des myriades de mulets et des régimens de mozos (garçons muletiers). Les mines ont provoqué la mise en culture du sol pour les besoins de la population qui se consacrait à l’exploitation et à tous les services latéraux. Partout où le travail des mines a pris une grande extension, on a vu naître une ville florissante, quelquefois monumentale et populeuse comme une capitale européenne, Guanaxuato par exemple, qui comptait en 1810 80,000 âmes.

Les filons des mines mexicaines se présentent avec des dimensions surprenantes : ce sont des filons géans. Celui de la Biscaïna, qu’on voit ici, a plusieurs mètres de puissance. Le filon nommé la Veta Madre, qu’on exploite à Guanaxuato, a rarement moins de 8 mètres, et va quelquefois à 50. Un lit de minerai d’argent de 50 mètres de puissance ! Qu’en eussent pensé les héros qui allaient au fond de la Colchide