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à la cause royale, le peuple n’aurait qu’à courir aux armes. Le roi, s’il était sur les lieux, devrait nécessairement se mettre à la tête de ses sujets, et pour cela, je vous réponds qu’il n’y consentira jamais. » Ainsi, quand il eût fallu combattre et reconquérir son royaume, Ferdinand IV s’était tenu éloigné de sa capitale. Il allait y rentrer pour y donner le signal de nouveaux crimes et de nouveaux désordres. Le 5 juillet, laissant la reine à Palerme, il arriva à Naples sur une frégate napolitaine qu’escortait la frégate anglaise le Seahorse. Tout ce que put obtenir de lui le capitaine Foote (et il l’obtint comme une faveur personnelle accordée à ses services), ce fut la confirmation de la capitulation de Castellamare. Celle qui avait été conclue avec les garnisons du Château-Neuf et du fort de l’OEuf fut méconnue par le roi de Naples, comme elle l’avait été par l’amiral anglais, et une ordonnance royale, enveloppant dans une proscription générale plus de 40,000 citoyens, déclara passible de la peine capitale quiconque avait porté les armes contre le peuple ou le cardinal, avait accepté quelques fonctions de la république, pris part à l’érection de l’arbre de la liberté ou assisté à la destruction des emblèmes du pouvoir légitime. Excitée par cette proclamation, la vile populace obéit à sa férocité instinctive. Les lazzaroni furent une seconde fois les maîtres dans Naples. Ils pénétraient dans les maisons sous prétexte d’y chercher des jacobins, mais en réalité pour s’y livrer au pillage, traînaient dans les rues les malheureux qui leur étaient suspects, les conduisaient eux-mêmes dans les prisons trop étroites déjà, dressaient des bûchers sur les places publiques, et, après y avoir précipité des homme encore vivans, se disputaient quelques lambeaux de leur chair à demi brûlée. Et cependant le roi tenait sa cour à bord du Foudroyant, y recevait les grossiers hommages de ses fidèles sujets, et Nelson écrivait a lord Keith : « On ne peut, sans se sentir ému, être témoin de la joie que fait éclater le peuple de Naples, il faut entendre les cris d’enthousiasme dont tous ces hommes saluent leur père, car le roi, pour eux, n’a plus d’autre nom. A peu d’exceptions près, la conduite des nobles a été infâme ; mais le roi en est instruit, et je me réjouis de le voir si bien disposé à rendre à chacun la justice qui lui est due… Dieu merci, tout va bien. Ce pays-ci sera plus heureux que jamais. C’est le vœu le plus cher de leurs majestés. » Que conclure de pareilles paroles ? que penser de celui qui les profère ? Faut-il s’indigner de son hypocrisie, ou le pleindre de son aveuglement ?

Secondés par un détachement considérable pris à bord des vaisseaux anglais, les alliés, pendant que ces horreurs se passaient à Naples, remportaient de nouveaux avantages. Après avoir fait capituler le fort Saint-Elme et repris les otages, dernière garantie des malheureux patriotes, ils avaient mis le siège devant Capoue et Gaëte ; mais, en ce moment, lord Keith quittait la Méditerranée à la suite de l’amiral Bruix, et appelait à la défense de Minorque, laissée à la merci de quelques vaisseaux