Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/972

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient capitulé sous le feu de la division anglaise, et la petite troupe de Schipani, séparée des détachemens qui défendaient Naples, était venue se faire égorger dans Portici. Le 18 juin, les Français occupaient encore le fort Saint-Elme, mais le pavillon de la république parthénopéenne ne flottait plus que sur deux châteaux de mauvaise défense, le Château-Neuf et le fort de l’Oeuf. Bâti par Charles d’Anjou, vers le milieu du XIIIe siècle le premier communique avec le palais du roi et l’arsenal ; il a souvent servi de refuge aux souverains et aux vice-rois de Naples pendant les émeutes et les guerres civiles. Le second, construit par l’empereur Frédéric II sur une pointe de rochers qui se relie à la terre ferme par une chaussée étroite, n’était alors qu’un amas confus de vieux bâtimens sur lesquels on avait établi des batteries pour défendre la ville du côté de la mer. Ces derniers boulevards d’une liberté éphémère, entourés de toutes parts, assaillis par 60,000 hommes, et déjà battus en brèche par l’artillerie de campagne du cardinal, ne pouvaient, au dire des courtisans de Palerme, opposer aux troupes royalistes qu’une résistance inutile et désespérée. Si les républicains combattaient encore, c’est qu’ils s’attendaient à être secourus par la flotte française, mais que Nelson se montrât dans la baie de Naples, et la présence seule de son escadre, en éteignant cette suprême espérance, allait les contraindre à se livrer sans conditions à la merci royale.

Nelson était alors entièrement dominé par lady Hamilton et la reine. Pendant les six mois qui s’étaient écoulés depuis la fuite du roi à Palerme, il n’avait cessé d’exhaler son indignation contre les jacobins. C’était lui qui accusait la faiblesse du gouvernement napolitain, et gourmandait son indulgence.


« Toutes mes propositions, écrivait-il de Palerme au duc de Clarence, sont accueillies avec empressement : les ordres sont donnés à l’instant pour qu’on s’y conforme, mais, quand on en vient à l’exécution, c’est autre chose. Il y a là de quoi me rendre fou. Sa majesté vient cependant de faire mettre en jugement deux généraux accusés de trahison et de lâcheté ; elle a prescrit de les faire fusiller ou pendre, dès que leur culpabilité aura été prouvée. Si ces ordres peuvent être exécutés, j’aurai quelque espoir d’avoir fait ici un peu de bien, car je ne cesse de prêcher que le soin de récompenser et de punir à propos est le seul fondement possible d’un bon gouvernement. Malheureusement on n’a jamais su faire ni l’un ni l’autre en ce pays. »


Entouré de capitaines qui chérissaient en lui l’amiral intrépide et le chef bienveillant, Nelson leur avait sans peine inspiré son ardeur et transmis son exaltation En finir avec les Français et les rebelles était devenu le mot d’ordre de son escadre. Troubridge avait subi l’entraînement général, et s’était d’abord distingué à Ischia et à Procida par l’emportement de son zèle ; mais bientôt, mieux éclairé sur les véritables intérêts de son pays, il avait dénoncé à Nelson le rôle odieux