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Mais el aoumen saguet ayma :
Nou pousquet t’oublida per biouré
Et mourisquet per t’oublida !

« Étoile. — d’Angèle, tu es belle — ce soir. — La nuit — est claire ; — tu la verras tout à l’heure — sur le siége que je lui fis. — Puisque c’est un crime de lui écrire ; — dis-lui que toujours André sut l’aimer, — qu’il ne put l’oublier pour vivre, — qu’il va mourir pour l’oublier !

« Mais, si elle m’oublie, — à peine auras-tu vu — ma vie éteinte ; lumière du paradis, — étoile — d’Angèle. — bien belle tu serais — si chaque soir — toujours tu lui disais : — André ne dut pas t’écrire, — mais lui, au moins sut t’aimer ; — il ne put t’oublier pour vivre, — et il mourut pour t’oublier ! »


On comprend combien une traduction doit donner une faible idée de l’harmonie de ces vers, combien il est impossible de remplacer la mélodie de ce rhythme, qui produit la même impression que certaines strophes de M. de Lamartine. — Ainsi chante André tandis que le combat se prépare. Dans sa vallée natale, cependant, que se passe-t-il ? Paul est-il heureux désormais ? Non, « le malheur d’André, le malheur d’Angéline, n’ont pas fait son bonheur. » Trompé d’abord par le sacrifice de la jeune fille, il découvre bientôt la vérité ; son triple bandeau tombe… et alors il sent quel martyre il a imposé, sans le savoir, à Angéline, à son frère. Paul dit adieu, lui aussi, au village, pour aller mourir à la place d’André. Il arrive assez tôt pour prendre part à la bataille ; il se jette au milieu du feu, et, au moment où il est frappé, Paul retrouve son frère. « Frère ! frère ! qu’as-tu fait ? dit celui-ci. — Mon devoir, il le fallait : depuis un an, tu as pris ma place, et je suis venu prendre la tienne. » Puis il ajoute les mêmes paroles que lui avait autrefois adressées André : « Frère à ton tour, guéris ; Angéline t’en prie ; elle n’est plus ta sœur ; tu verras son sourire ; elle t’aime de cœur. Toute cette année, chaque jour, n’osant pas me le dire, son œil mourant me le disait… » Paul meurt en disant ces mots.

« … André revint à la triste demeure ; — Angéline pleura… ensuite elle ne pleura plus ; — mais la mère ne put changer comme la jeune femme ; — celle-ci — n’en aimait qu’un, la mère en aimait deux ! »

Jasmin finit son poème par ce derniers vers d’une sensibilité si touchante, qui fait la part de l’éternelle douleur, même à côté des joies renaissantes des deux amans. Il peint en un mot cette plaie inguérissable de la mère qui a perdu un enfant et qui ne veut pas être consolée. Je n’ai point dissimulé que la première partie des Deux Jumeaux me paraissait préférable à la seconde. Ces simples héros se perdent, en effet, dans ces batailles, et il faut un peu de bonne volonté pour qu’ils