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un démembrement de territoire, MM. Rogier, Lebeau et Devaux ont courageusement, éloquemment proclamé la théorie des nécessités. Les démocrates dissidens, qui l’eût cru ? viennent donner ici au libéralisme gouvernemental une leçon de sagesse. Les deux ou trois journaux de ce groupe, qui représentait, en 1839, les plus aveugles fureurs de ce faux esprit national, alors combattu par le groupe doctrinaire, se joignent aujourd’hui aux catholiques flamands pour réclamer l’union. Il y a dans ce seul fait un danger grave pour les libéraux. Impuissans par eux-mêmes, les démocrates peuvent, en s’unissant aux catholiques sur le terrain de l’union douanière, fournira ces derniers un appoint décisif. Et qu’on ne vienne pas nier la possibilité de ce rapprochement : les démocrates dissidens ont solennellement déclaré qu’ils ajournaient tout dissentiment politique pour travailler au salut des Flandres, quel que soit le parti dont cette pensée d’humanité les rapprochera.

Ainsi, l’union douanière, que le consentement tacite des partis a long-temps ensevelie dans une réprobation commune, sera peut-être, dans cinq mois, le principe régulateur, le fait capital autour duquel les luttes intérieures des derniers seize ans doivent se dénouer. Les libéraux, qui, en dehors de cette question, exercent sur le pays un ascendant désormais souverain, peuvent s’y abîmer. La majorité catholique, dont l’existence n’est, depuis 1844, qu’une lente agonie, peut y puiser une vie nouvelle. La royauté enfin, qui s’est aliéné les libéraux, ses vrais soutiens, sans ol)tenir des garanties du côté des catholiques, ses adversaires naturels, peut se faire de l’union douanière un gage immortel de popularité. Si l’imprévu ne vient pas détourner le cours actuel des choses, si les libéraux, en s’emparant eux-mêmes de l’union douanière, ne restituent pas à la situation son caractère normal, il n’est point d’intérêt, point d’influence, qui ne soient appelés à jouer sur ce terrain le tout pour le tout.


GUSTAVE D’ALAUX.