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une garantie de sa durée. Les ultra-libéraux comptaient dans leurs rangs un groupe extrême, rejeton avorté du républicanisme de 1830, sans force, sans crédit, mais suppléant par le bruit au nombre, et placé là comme un épouvantail devant lequel plus d’une adhésion reculait : ils ont allégé leur avenir de cet inutile et dangereux fardeau. A la suite d’une discussion de règlement qui a dégénéré en discussion de principes, l’alliance s’est dissoute, et la fraction influente des ultra-libéraux, à sa tête M. Verhaegen, le grand instigateur de la ligue maçonnique, a formé avec les modérés une association à part. Cette éclatante protestation des ultra-libéraux contre les tendances républicaines qu’on leur imputait a déjà porté ses fruits. Pour quelques casse-cous politiques dont elle perd l’appui, la coalition voit chaque jour affluer dans son sein de nouveaux membres à qui des convenances de position ou d’opinion défendaient toute apparence de solidarité avec le groupe dissident. L’épidémie a gagné jusqu’aux fonctionnaires, à tel point que M. de Theux a cru devoir leur interdire, sous peine de destitution, l’entrée des associations électorales. En un mot, loin de se dissoudre, la coalition tend de plus en plus à cette homogénéité qui constitue l’unité, le parti.

Le nouveau ministère est lui-même une sauvegarde pour l’union des libéraux coalisés. A part le ministre des travaux publics, M. de Bavay, dont la docilité est le seul titre politique, et le ministre de la guerre, M. Prisse, qui ne sort pas de sa spécialité, cette administration recèle dans son sein l’essence et la quintessence du parti catholique. Le nom seul de M. de Theux est un défi. M. Malou représente la fraction bigote et convaincue de l’ultramontanisme. M. Dechamps a émis à la tribune l’espoir de voir un jour les universités de l’état supplantées par l’université cléricale de Louvain. M. d’Anethan enfin, ministre de la justice et des cultes, a retiré son fils du collège de Tournay devant l’espèce d’interdit fulminé par l’évêque contre cet établissement, et je laisse à penser si les libéraux ont glosé là-dessus. M. de Theux, bien qu’il soit la personnification officielle de l’ultramontanisme, est du reste le seul homme capable de ralentir la chute de son parti, s’il en est encore temps. Évasif devant l’opposition, despote et despote obéi chez les siens, mélange singulier de souplesse et de cette fermeté digne et froide qui caractérise chez nous, sous un autre aspect, M. le comte Mole, nul ne s’entend mieux que lui à contenir tout inutile emportement des catholiques et à dérouter les libéraux. Sous sa longue administration de six ans, de 1834 à 1840, le clergé a pu envahir sans bruit et sans scandale toutes les issues du système électoral et administratif. Les premiers actes du nouveau ministre de l’intérieur, entre autres son projet de loi sur l’enseignement secondaire, sont l’expression assez fidèle de sa tactique. Les ultra-catholiques revendiquaient brutalement